Ranking of Kings : les origines d'une incroyable success story

Ranking of Kings : les origines d'une incroyable success story Le manga à l'origine du dessin animé mondialement connu arrive ce 7 avril en France aux éditions Ki-oon. À cette occasion, Sosuke Toka, son discret et talentueux auteur, a accepté de répondre aux questions de L'Internaute.com.

Dans un monde de fantasy – où cohabitent en plus ou moins bonne intelligence humains, géants, démons, sorcières et autres créatures imaginaires –,  les royaumes sont classés par la valeur de leurs rois. Ces derniers sont jugés sur des critères de force et de prospérité par un organisme secret. Le royaume de Bosse est classé 7e au rang des nations. Fondé par un géant à la force incommensurable, le pays a connu une grande guerre et est aujourd'hui prospère. Mais cette quiétude touche à sa fin. En effet, le roi Bosse se meurt. Et le peuple est divisé quant à sa succession. Bojji, son fils aîné, est non seulement chétif mais aussi sourd et muet. Nombreux sont ceux qui lui préfèrent Daida, son demi-frère issu d'un second mariage. D'autant plus que la force du roi est un critère prépondérant pour le classement des nations. Mais Bojji fait fi des quolibets et du jugements des autres et, armé de son courage sans faille et de sa joie de vivre, n'a qu'un rêve : devenir le meilleur roi possible pour ses sujets.

© Sousuke Toka 2019 / KADOKAWA CORPORATION

Quand les principes du shônen d'aventure – un héros dont le rêve semble impossible qui va tout donner pour atteindre ses objectifs – rencontrent le monde de la fantasy, on pourrait s'attendre à une épopée dans le sillage d'œuvres comme Dragon Quest. Mais il n'en est rien. Ranking of Kings est un ovni incroyable, tantôt drôle et plein d'optimisme, tantôt aussi dur qu'un Game of Thrones… Impossible de ne pas tomber sous le charme de Bojji, ce personnage qui, malgré son mutisme et sa surdité, est d'une expressivité sans pareille. L'adaptation en anime a déjà conquis le cœur de nombreux téléspectateurs et, à l'occasion de la publication du manga aux éditions Ki-oon, Sousuke Toka, son auteur, répond aux questions de LInternaute.com. Ce dernier, qui a décidé de plaquer le monde du travail traditionnel pour devenir mangaka à 40 ans, a fait ses armes en tant qu'illustrateur chez un éditeur qui a fini par déposer le bilan avant d'auto-publier son manga en ligne. 

Linternaute.com : vous avez un parcours atypique et n'êtes devenu mangaka qu'à 41 ans. Et vous êtes même autopublié en ligne. Est-ce que vous pouvez nous raconter comment et pourquoi vous êtes devenu mangaka ?

J'ai toujours rêvé de vivre de ma plume. J'ai démissionné car je me suis dit qu'il était temps de tenter le tout pour le tout. Je comptais abandonner pour de bon si ça ne donnait rien au bout d'un an.

Votre premier manga, Ranking of Kings, a été refusé par la majorité des éditeurs. Vous avez trouvé un éditeur à force d'abnégation mais il a fait faillite avant de publier le manga. Vous l'avez donc publié en ligne car vous y croyiez énormément et, après plusieurs mois de publication, vous avez gagné un prix de meilleur webcomic et le titre a explosé en popularité, avec plusieurs centaines de milliers de lectures...

Ranking of Kings n'a jamais été refusé par qui que ce soit, car je ne l'ai jamais proposé aux éditeurs. Vous avez sans doute mal compris. C'est une maison d'édition de livres d'illustrations qui a fait faillite. Avant que ma série ne fasse parler d'elle sur internet, j'ai été approché par trois maisons d'édition, mais j'ai refusé leurs propositions. Je connais la règle dans ce milieu, qui veut que toute publication qui ne se vend pas soit stoppée. C'est pour ça que je ne souhaitais pas être édité dans un premier temps. Je voulais d'abord continuer mon histoire et augmenter sa popularité.

Je fais attention à ne pas dessiner uniquement pour moi-même. 

Qu'avez-vous ressenti alors ?

C'était la première réussite de ma vie. Je n'arrivais pas à y croire.

Vous avez publié un manga sur votre parcours atypique, Datsu Sara 41-sai no Mangaka Saichôsen Ôsama Ranking ga Bazuru Made. On a l'impression que votre expérience est une véritable histoire de shônen. Si vous deviez donner un seul conseil aux apprentis mangakas, lequel serait-ce ?

Montrer son manga à de nombreuses personnes. Être honnête et accepter les remarques. Faire preuve d'esprit d'analyse. Se maintenir en forme pour dessiner sur la longueur. Penser à ses lecteurs. Je fais attention à ne pas dessiner uniquement pour moi-même.

La rencontre entre Bojji et Ombre est un évènement qui va changer la vie des deux personnages.
© Sousuke Toka 2019 / KADOKAWA CORPORATION

Vos parents ignorent votre carrière de mangaka et pensent que vous êtes encore salaryman. Pourquoi leur cacher ce métier ? Avec plus de 1,5 million d'exemplaires vendus, n'est-ce pas suffisamment stable comme métier ?

Comme je ne vis pas chez mes parents, je ne ressens pas le besoin de les mettre au courant.

En plus, ils n'ont pas une idée très positive du milieu du manga, de l'anime ou des jeux vidéo. Raison de plus pour ne rien dire.

 

D'où vous est venu l'étincelle à l'origine du projet Ranking of Kings ?

Au début, je voulais en faire un livre d'illustration. J'ai ensuite changé le format pour en faire un manga. J'ai commencé cette série comme un exercice de formation, dans un certain esprit de légèreté.

Bien que muet, Bojji, sous la plume de Sousuke Toka est d'une expressivité incroyable.
© Sousuke Toka 2019 / KADOKAWA CORPORATION

Est-ce que le nom de Bojji a une signification particulière si oui pouvez-vous nous l'expliquer ?

Ce nom vient de "Daidarabotchi", un géant de la mythologie japonaise. J'en ai tiré "Daida" et "Bojji".

À quel point le personnage de Bojji est-il proche de vous ?

Bojji ne me ressemble pas, mais il se pourrait que je lui projette un idéal de ce que je voudrais devenir.

Et à quel point Ombre vous ressemble ? 

Ombre ne me ressemble pas, mais je voudrais vraiment devenir comme lui et c'est mon idéal.

Bojji, malgré de nombreux handicaps, garde la force de sourire et d'aller de l'avant vers son rêve. Est-ce que sa volonté inébranlable est sa plus grande force ?

Son sourire lui sert de bouclier face aux problèmes soulevés par son handicap. Son rêve a été défini par sa mère, et il tente tant bien que mal de le réaliser. Cependant, ça ne veut pas dire que ce soit ce qu'il souhaite réellement. Sa plus grande force est sa droiture. Mais sans Ombre à ses côtés, il serait sans doute tombé dans l'oubli.

Vous empruntez de nombreux tropes des contes de fées plutôt "occidentaux" : rois, géants, méchante belle-mère, miroir magique.  Quelles sont vos principales références en la matière ?

J'ai été inspiré par les RPG sur console, comme par exemple Dragon Quest ou Dark Souls.

 

Quelles autres sources vous ont inspiré pour Ranking of Kings ?

Berserk de Kentarô Miura.

 

Est-ce qu'il est implicite que Ranking of Kings ait un happy ending du coup ?

Je n'ai pas envie de dessiner des drames qui finissent mal.

Bojji cours affronter le danger pour sauver son ami. Un esprit "manga d'aventure" classique mais diablement efficace.
© Sousuke Toka 2019 / KADOKAWA CORPORATION

Le premier arc narratif se termine au 12e tome. Connaissiez-vous déjà la fin de Ranking of Kings dès le début de l'histoire ? Ou bien l'avez-vous adapté suite au succès de votre manga ?

Je n'avais pas la fin en tête quand j'ai commencé. C'est au fil des pages que le dénouement m'est venu en tête.

Est-ce que vous avez déjà une idée pour le second arc narratif ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Je n'ai pas encore tout mis en place, mais je pense faire revenir Gueslain et Poiz, qui apparaissent dans le volume 1.

La Reine Hiling (belle-mère de Bojji) est parfois une méchante marâtre, parfois une gentille mère. Pourquoi avez-vous choisi de la représenter ainsi ?

Je ne la vois pas comme méchante. Pour moi, dès le départ c'est un personnage de belle-mère sévère mais aimante.

Quelle est votre inspiration graphique pour ce personnage ?

Je voulais qu'elle soit reconnaissable au premier coup d'œil, c'est pour ça que je l'ai dessiné avec un long nez. C'est à peu près tout.

Handicapé, Bojji devra sans cesse faire ses preuves pour convaincre qu'il est digne d'être un grand roi.
© Sousuke Toka 2019 / KADOKAWA CORPORATION

J'ai lu dans une interview que L'Histoire sans fin vous avait beaucoup marqué. Bastian (NDLR: le héros de L'Histoire sans fin) aussi se faisait martyriser à l'école. Est-ce une source d'inspiration ou un modèle pour Bojji ?

Bojji n'est pas vraiment martyrisé, il souffre juste d'un manque de compréhension. Mais je trouve que les histoires qui mettent en scène des victimes de harcèlement qui relèvent la tête ou changent leur destin sont aussi intéressantes.

Bojji et Ombre vont tous les deux lutter contre le destin qui les prédestine à un rôle qui ne leur sied guère. Est-ce une métaphore de votre rôle de salaryman qui vous a été imposé pendant tant d'années ?

C'est vrai que je suis seul moi aussi, mais ma situation n'est en rien comparable à la leur. Ce n'est qu'une astuce de mise en scène.

Vous dessinez en numérique, racontez-nous les avantages de cet usage ?

Je me suis aussi essayé au dessin en analogue, mais le digital est bien plus pratique. Les aplats de noir ou les trames se font en un clic, c'est magique.

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