Magic x Dungeons & Dragons : la convergence évidente !
Depuis plusieurs années, le jeu de cartes Magic : L'Assemblée ne cesse de s'ouvrir à de nouveaux mondes voire à de nouvelles licences. Toutes ces incursions diverses et variées n'avaient pour dessein que de faire se rencontrer les deux licences phares du géant du jeu Hasbro, Dungeons & Dragons et Magic : L'Assemblée. C'est chose faite avec l'extension Aventures dans les Royaumes oubliés. Un travail de titan qui s'est étalé sur plus de trois ans juste pour la partie design d'après Meris Mullaley et James Wyatt, designers de ce set disponible à la vente depuis le 23 juillet. " S'il peut paraître surprenant que ce crossover majeur ne paraisse qu'en 2021, tout le travail depuis l'inclusion d'autres univers dans Magic tend vers l'arrivée de Dungeons & Dragons, c'était une évidence pour tout le monde", explique Meris Mullaley.

Se baser sur une licence aussi forte et connue que Dungeons & Dragons, et particulièrement sur l'univers des Royaumes oubliés, implique un lot de contraintes supplémentaires dans la phase de conception de l'extension. Pour Meris Mullaley, les échanges avec les collègues en charge de Dungeons & Dragons ont été nombreux et enrichissants. James Wyatt explique qu'il faut éviter le piège du fan service dans les "flavor texts" (textes riches, en italique, qui racontent une histoire et non pas juste la mécanique de jeu) pour éviter d'avoir des exergues qui ne plaisent qu'à une minorité voire qui ne marchent pas dans un contexte de citation. Il ajoute que le choix des types de créatures est une des difficultés principales dans la construction d'une extension. Pour des raisons de logique et d'équilibre, les équipes créatives de Magic essayent de ne pas faire grossir la liste des types de créatures, même si cette extension voit apparaître les halflings et les rangers, ce qui peut expliquer que certaines créatures issues de Dungeons & Dragons se retrouvent associées à un type différent (une aberration devient ainsi une horreur dans l'univers Magic). James Wyatt ajoute " Comme les joueuses et joueurs de Magic aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'il y a 20 ans, nous avons choisi d'introduire de nouveaux personnages et pas seulement de nous baser sur ceux existants afin de nous assurer une plus grande inclusion. Mais certains personnages du lore des Royaumes oubliés étaient impossible à ignorer, comme Drizzt et les Dragons…"

Pour Meris Mullaley, ce nouveau core set (set de base d'une édition), complet et complexe (voir plus bas +++ancre vers la partie " jeu"+++) vise à plaire autant aux joueurs de Magic qu'aux joueurs de Dungeons & Dragons. Le lore de l'univers de D&D : monstres (iconiques comme le flumph), héros (légendaires comme Drizzt), objets et artefacts magiques et sortilèges transposés dans l'univers de Magic plaira aux aficionados de la licence de jeu de rôles. Pour les fans du jeu de cartes, découvrir un nouveau monde d'une telle richesse, de surcroît avec plusieurs nouvelles mécaniques de jeu, ne peut qu'être source de satisfaction. Cette porte entre ces deux univers devrait convaincre les fans mais aussi plus généralement les amateurs de fantasy ou de jeux de cartes.
"Xanathar Key Art" for #MTGDND
— Jason Rainville (@rhineville) May 7, 2021
AD Mari Hall
The only piece I illustrated for the D&D crossover, this was a difficult but very rewarding packaging piece, and I was more than happy to paint my boy Xanathar again! It might be the only, but I feel I made it count. Thread -> pic.twitter.com/ZqgwRXDmns
Une attention particulière a été portée sur la notion d'aventure. Les deux designers expliquent par exemple que c'est la première fois dans Magic que des cartes de terrains basiques ont des "flavor texts". C'est cette attention particulière qui a poussé à la création de la carte de l'Aubergiste prospère, chez qui de nombreux aventuriers se rassemblent avant de partir accomplir une quête.
Au niveau design, trois évolutions notoires :
- Des cartes de terrains (9) sans bord au look rétro, hommage à des scénarios et modules d'aventure aux Royaume oubliés du jeu Dungeons & Dragons.
- Des cartes bicolores (51) "rolebook" pour les personnages légendaires et monstres iconiques.
- Des cartes nouvelles cartes variantes " cadeau" dans les boosters en sus des habituelles cartes jetons. Ces dernières ne servent que de support à Dungeons & Dragons et donne au recto le visuel d'une créature et au verso une présentation de type feuille de personnage pour renforcer l'aspect jeu de rôles ou servir de référence en cours d'une partie.

Max McCall (Principal Product Designer) explique que le concept d'exploration de donjon est le mécanisme qui a été le plus difficile à implémenter sur cette extension. Il fallait équilibrer les actions d'exploration, les donjons eux-mêmes, faire en sorte que les récompenses soient au niveau de l'effort des joueurs sans créer des decks qui ne feraient que de l'exploration de manière cyclique.
Le responsable ajoute que les équipes de Magic ont gardé d'autres mécanismes inspirés du jeu de rôles pour un futur plus ou moins proche, mais impossible de lui soutirer quelles mécaniques. Cette première combinaison des deux licences phares du géant Hasbro est une réussite et reflète l'enthousiasme des équipes qui ont travaillé dessus. Il ajoute que pour l'instant les équipes n'ont fait qu'explorer une partie de l'univers des Royaumes oubliés et qu'il a hâte de revenir dans cet univers riche et complet. Si Drizzt Do'Urden s'est imposé comme le personnage le plus charismatique et le plus connu de cet univers, il reste encore de nombreux aventuriers à intégrer à l'univers de Magic.
L'artiste Magali Villeneuve, en charge de plusieurs illustrations, dont Drizzt l'emblématique drow (elfe noir dans l'univers de D&D), revient pour L'Internaute sur le processus de réalisation d'illustrations de cartes et de boîtes de jeu.
L'internaute : Drizzt est LE personnage le plus représenté de l'univers des Royaumes oubliés (livre, comics, jeux vidéo). Quel impact cela a-t-il eu sur son design ?

Magali Villeneuve : En fait, ça m'a plutôt aidé. À la base j'ai un profil particulier par rapport aux autres illustrateurs de l'écurie Magic. Je ne joue pas aux jeux de rôle, je connais Drizzt en tant que héros de roman, mais j'avais une vision assez sommaire du personnage. Avoir un univers aussi riche m'a aidé à mieux comprendre le personnage et à voir ce qu'il devait dégager pour être le plus fidèle possible.
Drizzt, c'est ma zone de confort visuellement : il est l'archétype du personnage élégant, de noble stature et aux couleurs sombres. Et sa psychologie m'intéresse beaucoup.
Des contraintes particulières ?
On a très peu de temps quand on reçoit une commande d'illustration. En général, on a 2 semaines pour fournir l'ébauche et on doit finir en 4-5 semaines, sachant qu'on a déjà d'autres travaux en cours. Avec la demande, on reçoit un brief qui explique les grandes lignes attendues. Pour Drizzt, on m'a fourni le design de l'armure à utiliser, sachant qu'il en a plusieurs au cours de sa carrière d'aventurier.
Il est plus facile de créer un personnage original, la liberté est plus grande et il n'y a pas d'attente, de préconception des fans. Les joueurs de Magic ou de Dungeons & Dragons sont très nombreux et très impliqués alors on fait tout pour ne pas les décevoir.
Magic fait partie des jeux où il n'y a pas une volonté d'uniformisation des graphismes. Chaque illustrateur a son âme et peut s'exprimer. C'est une grande réussite chez Magic : du stylistique, du moderne, du traditionnel, il y a tous les styles. Ce brassage de style graphique aussi large permet d'avoir toujours un genre qui plaît à tous les sexes et tous les âges. On ne se sent pas obligé de rentrer dans un moule graphique.
Pouvez-vous détailler un peu plus les étapes du processus de création d'une illustration de carte ?
On s'appuie sur un brief plus ou moins précis. Pour les boîtes. le brief est plus précis que pour les cartes, car il y a eu une réflexion en amont sur ce que le visuel doit inspirer comme sentiment aux joueuses et joueurs et il y a une grosse contrainte de charte au niveau de toute l'extension.
Le brief, par exemple, précise qui est sur l'illustration, s'il y a plusieurs personnages, si l'un est plus mis en avant que d'autres. Il y a aussi une note d'humeur: "faire une illustration épique, un visuel qui fait rêver". À partir de ce brief, on fait des propositions de compositions. Certains artistes réalisent de nombreux roughs, moi je ne suis pas du genre à m'éparpiller avec plein d'idées, je réfléchis et propose seulement une ou deux compositions déjà très travaillées. Le directeur artistique peut nous demander une première révision. Sur les boîtes, on doit donner un crayonné en couleurs pour valider la lisibilité de la charte, cette étape n'existe pas pour les cartes. Dès que l'intention de visuel est validée, on peut passer au traitement final, avec d'éventuels retours pour ajustements à la marge.
Ensuite il y a une validation de l'intention du visuel et on peut finaliser le dessin. On peut avoir des ajustements à la marge sur cette étape. Quand on fait une illustration pour une boîte, faire du numérique est plus facile: on essaye d'utiliser un calque par objet (Drizzt, Gwen, Dragon, dans notre exemple) pour que les visuels puissent être utilisés pour le marketing aussi.

Que préférez-vous illustrer ?
J'aime autant les deux. J'aime même faire les deux car ça apporte de la variété. Illustrer une carte est plus libre et offre plus de créativité. Mais illustrer une boîte propose des défis techniques intéressants à relever. Et puis c'est glorifiant que l'illustration soit tellement mise en avant.
L'Assassin Royal et Game of Thrones sont des licences que vous avez illustrées. Si jamais l'un de ces univers venait à arriver dans Magic Beyond*, quelle serait LA carte que vous ne laisseriez à personne d'autre ?
Pour des licences comme ça où je me suis déjà illustrée (rires), en particulier pour L'Assassin Royal, qui est projet qui me tient très à cœur, j'oserais réclamer une carte. Et je réclamais Fitz sans aucune hésitation, je ne laisserais pas passer l'occasion de l'illustrer, et probablement le Le Fou aussi.
Mais d'une manière générale, je ne me permets pas ce genre de demande. C'est le directeur artistique qui nous assigne des projets selon nos capacités, notre historique et sa vision de nos œuvres. J'aime bien que ça se passe comme ça, c'est un peu un baromètre. Quand on me donne Drizzt, c'est un très bon signe. C'est une marque de confiance, un compliment sur mon dessin.
* Magic Beyond est l'appellation qui couvre les univers étendus de Magic : L'Assemblée qui croisent d'autres licences. Warhammer 40.000 et Le Seigneur des Anneaux sont les premiers sets annoncés dans cet univers.

Quelle est l'illustration de l'univers Magic dont vous êtes la plus fière ?
D'une certaine façon, l'illustration de Drizzt avec le dragon est une vraie source de fierté et de satisfaction. Je me trouve nulle en créatures. Je suis spécialisé en fantasy mais je ne dessine quasiment jamais de dragon, c'était un gros défi pour moi, surtout qu'à la base on ne m'avait parlé que de Drizzt. La directrice artistique m'a appelé et m'a dit " J'ai le souvenir d'une illustration de Glorfindel pour Le Seigneur des anneaux et je pense que tu serais parfaite pour faire Drizzt", j'étais ravie mais j'ai déchanté quand le brief est arrivé "Drizzt et Gwen contre un immense dragon rouge". Le dragon était un énorme défi, j'en ai pleuré des larmes de sang. Quand je dessine des créatures ou des monstres, ils ont tendance à finir un peu trop mignons, pas assez imposants. Il fallait impérativement de la menace dans cette illustration, tout en gardant de la place pour les personnages, c'était très compliqué. J'ai tendance après 15 jours à ne plus aimer une illustration, mais celle-ci, plusieurs semaines après, je l'aime encore pour toutes ces raisons.
Les nouvelles mécaniques de jeu :
- Lancer un d20 : Le dé à 20 faces est probablement le premier élément auquel on pense quand on songe au jeu de rôles. Ce dé symbolise tout l'aléatoire dans l'univers, en général il faut réaliser le jet le plus élevé possible. Plusieurs cartes utilisent un lancer de dé pour ajuster leurs effets, un mauvais lancer aura une action faible, et à l'inverse un 20 aura un impact dévastateur.
- Explorer le donjon : Le premier D de D&D vient de donjon, traduction littérale du mot dungeon. Les premières parties de jeu de rôles étaient très orientées exploration de lieux clos : grottes, souterrains, cachots… où les aventuriers exploraient pièce par pièce ces labyrinthes peuplés de pièges et de montres. C'est cet esprit des designers de cette extension. Trois donjons attendent les aventuriers les plus intrépides, à chaque exploration le joueur découvre une nouvelle pièce qui lui procure un avantage particulier.
- Les classes d'aventuriers : au nombre de douze, chacune avec trois capacités dont deux déblocables en augmentant le niveau de la carte, là aussi pour rappeler aux joueurs la notion de niveau, prépondérante dans l'univers des jeux de rôles.
À noter que la mécanique de groupe introduite dans la Renaissance de Zendikar n'a pas été reconduite dans ce set. L'équipe de design a essayé mais il aurait fallu créer de nouveaux types de groupes, ce qui risquait de rendre l'équilibre plus fragile, selon James Wyatt.