Mort de Bernardo Bertolucci : ce qu'il disait du viol dans Le Dernier Tango à Paris

Mort de Bernardo Bertolucci : ce qu'il disait du viol dans Le Dernier Tango à Paris MORT DE BERNARDO BERTOLUCCI - Le réalisateur du Dernier Tango à Paris, Bernardo Bertolucci est décédé à l'âge de 77 ans. Avec ce film, il avait créé un scandale monumental autour de la scène du viol du personnage de Maria Schneider par celui de Marlon Brando.

[Mis à jour le 26 novembre 2018 à 16h15] De l'autre côté des Alpes, les médias italiens nous apprennent aujourd'hui le décès de Bernardo Bertolucci. Cinéaste italien né à Parme le 16 mars 1941, Bertolucci avait par exemple signé les films Le Dernier Empereur (1987) ou encore Le Dernier Tango à Paris (1972) avec Marlon Brando. La presse transalpine précise que le réalisateur est décédé à Rome à l'âge de 77 ans mais n'évoque pas pour l'instant les circonstances de sa mort.

Fils d'Attilio Bertolucci, un poète italien, Bernardo est très vite attiré par les arts et notamment l'écriture. Durant sa carrière, il signera la plupart de ses films en tant que scénariste en plus de ses activités de réalisateur. Dès son deuxième film, Prima della rivoluzione (1964), Bertolucci reçoit les lauriers de la critique. Sa carrière au cinéma ne fait que commencer. Par la suite, il réalisera notamment Le Conformiste (1970) puis Le Dernier Tango à Paris (1972) ou encore Little Buddha (1993) Le Dernier Empereur (1987) qui lui vaudra 9 Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Son dernier film, Moi et toi, est sorti en 2012. Derrière ce succès au cinéma Bernardo Bertolucci avait aussi créé un scandale.

La scène du viol dans Un Dernier Tango à Paris

Au-delà de sa réussite critique pour certains films comme Le Dernier Empereur, Bernardo Bertolucci a aussi été critiqué pour certaines autres réalisations dont Le Dernier Tango à Paris, un de ses films les plus connus. Lors de sa sortie en 1972, le long-métrage est conspué pour ses scènes de sexe particulièrement crue dont une notamment polarise les attentions. Il s'agit d'une scène de viol par sodomie où l'on peut voir Marlon Brando forcer Maria Schneider à rester au sol tandis qu'il utilise une motte de beurre en tant que lubrifiant. Si l'on sait que l'acte était simulé, cette scène a énormément choqué l'actrice qui n'aurait pas été mise dans la confidence avant que les caméras tournent. On voit d'ailleurs les larmes, bien réelles, de Schneider dans cette scène qu'elle n'a jamais pardonné à Bernardo Bertolucci.

Dans les colonnes de Gala, Maria Schneider s'était exprimée au sujet de son ressenti sur cette scène de viol. "Je me suis retrouvée propulsée sur la scène comme un objet sexuel, une bimbo." La séquence a d'ailleurs eu des répercussions néfastes sur la vie personnelle de l'actrice. Cette scène la poursuivait même dans des endroits où elle n'aurait pas dû y penser. "Dans la rue, les gens me manquaient de respect, on me servait du beurre dans les restaurants, même à Cannes, on m'en a carrément apporté une motte en bas des marches. C'était violent."*

Pour le quotidien Libération, Maria Schneider expliquait qu'elle s'était "sentie violentée. Oui, mes larmes étaient vraies." Ce tournage, alors qu'elle n'avait que 19 ans, l'a beaucoup affectée. "J'étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisait. Aujourd'hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m'a déboussolée" au point de devenir héroïnomane et cocaïnomane pendant sept ans.

"Je me sens très coupable mais je ne regrette pas"

En 2013, Bernardo Bertolucci expliquait qu'il ressentait des remords après la mort de Maria Schneider. "Je voulais capter sa réaction de fille humiliée, par exemple lorsqu'elle hurlait 'non, non !' Et je pense qu'elle nous a haïs moi et Marlon Brando parce que nous ne lui avons rien dit de cette séquence, de ce détail, l'utilisation du beurre comme lubrifiant. Je me sens très coupable de ça. [...] Je me sens coupable, mais je ne regrette pas."

Il s'était toutefois justifié plusieurs fois, invoquant le fait que son art nécessitait cette attitude vis-à-vis de Maria Schneider. "Pour faire des films, parfois, pour obtenir un certain résultat, je pense qu'il faut être totalement libre." Ce faisant, le cinéaste en a oublié un concept simple, celui du consentement de la jeune femme qu'il souhaitait voir dans une situation d'une violence déjà invraisemblable.

Par ailleurs, Bernardo Bertolucci expliquait à Vanity Fair que Maria Schneider savait de quoi la scène retournerait avant de la tourner. "Quelqu'un a pensé que Maria n'avait pas été informée de la violence de cette scène. C'est faux ! Maria savait tout parce qu'elle avait lu le scénario, où tout était écrit." Il explique toutefois que Marlon Brando et lui avaient toutefois avaient décidé "de ne pas informer Maria que nous allions utiliser du beurre. Nous voulions sa réaction spontanée face à ce mauvais usage."

Toujours en 2016, Bernardo Bertolucci a accepté de revenir sur le tournage de cette scène pour expliquer pourquoi il avait choisi de ne pas prévenir Maria Schneider de ce qui allait se passer. "Je ne lui ai pas dit ce qu'il se passait parce que je voulais avoir sa réaction en tant que fille et pas en tant qu'actrice. Je ne voulais pas que Maria joue son humiliation et sa rage, je voulais qu'elle les ressente." A la suite de ce tournage, Maria Schneider a expliqué être tombé dans la drogue et avoir "perdu sept ans de [sa] vie". Disparue en 2011, l'actrice n'a jamais reçu d'excuses de la part du réalisateur qui a annoncé, au moment de son décès, qu'il regrettait de ne pas s'être excusé avant son décès.

Vanessa Schneider, cousine de l'actrice, a publié un livre intitulé Tu t'appelais Maria Schneider. Dans celui-ci, elle revient sur le destin de la comédienne tant marquée par le tournage du Dernier Tango à Paris. "Dès qu'elle se plaignait, le réalisateur lui faisait comprendre qu'elle avait bien de la chance d'être là. Il la considérait comme une moins que rien." Elle explique par ailleurs que la famille Schneider respectait une stricte omerta au sujet du film : "Il l'avait fait tellement souffrir que c'était tabou. Elle avait d'ailleurs donné des consignes très précises pour ses funérailles : que le nom du film ne soit pas prononcé." Maria Schneider est décédée en février 2011 des suites d'un cancer à l'âge de 58 ans.

Bertolucci, un cinéaste couronné par ses pairs

Malgré les polémiques qu'a pu créer son Dernier Tango à Paris, Bernardo Bertolucci reste un cinéaste qui a de nombreuses fois été récompensé par ses pairs. Son film le plus primé est Le Dernier Empereur pour lequel il reçoit 9 Oscars dont l'Oscar du meilleur réalisateur, du meilleur scénario adapté et du meilleur film en 1988. La même année, il reçoit aussi le César du meilleur film étranger ainsi que les Golden Globes du meilleur film dramatique et du meilleur réalisateur.