Elle voulait absolument empêcher la sortie de Rabbi Jacob - ça s'est terminé en fait divers tragique

Elle voulait absolument empêcher la sortie de Rabbi Jacob - ça s'est terminé en fait divers tragique Peu s'en souviennent, mais la sortie du film "Les Aventures de Rabbi Jacob", en 1973, aura été houleuse. Un tragique fait divers impliquant le détournement d'un avion a entaché ses premières diffusions dans les salles.

Les aventures de Rabbi Jacob s'est imposé comme une comédie culte depuis sa sortie au cinéma, le 18 octobre 1973. A tel point que le long-métrage bénéficie de rediffusions très régulières, dont la prochaine a lieu sur France 2 dimanche 22 octobre, à 21h10.

Pourtant, la sortie du film au cinéma ne s'est pas déroulée sans encombre dans les années 1970 et elle a même donné lieu à un tragique fait divers, qui est depuis tombé dans l'oubli. Le jour de la première diffusion des Aventures de Rabbi Jacob dans les salles obscures, un Boeing 727-228 transportant une centaine de passagers est détourné par une femme seule, Danielle Cravenne, armée d'une carabine et d'un revolver factice.

Danielle Cravenne n'est pas tout à fait une inconnue. Il s'agit de l'épouse du publicitaire Georges Cravenne, alors chargé de la promotion du long-métrage porté par Louis de Funès. Les Aventures de Rabbi Jacob, qui critique par l'humour l'antisémitisme et évoque les relations entre les Arabes et les Juifs, n'était pas du goût de cette épouse révoltée, convertie au judaïsme lors de leur mariage cinq années plus tôt. Aussi comique soit-il, le film de Gérard Oury est jugé indécent par la femme de 35 ans, face aux atrocités de la guerre qui a lieu au même moment, à l'ouest du Sinaï.

Un contexte géopolitique tendu

Car la sortie des Aventures de Rabbi Jacob a lieu dans un contexte tendu : 12 jours auparavant, le 6 octobre 1973, a lieu une attaque des Egyptiens et des Syriens contre Israël, ce qui déclenche la Guerre du Kippour. Bouleversée par le conflit et par ses victimes de part et d'autre, Danielle Cravenne veut sensibiliser l'opinion et détourne ainsi le vol d'Air France entre Paris et Nice, le 18 octobre.

Elle réclame notamment l'annulation de la sortie des Aventures de Rabbi Jacob, mais liste aussi d'autres revendications dans une lettre de trois pages, en rapport avec les combats qui se déroulent au même moment à des milliers de kilomètres. Des propos jugés "incohérents" par les autorités.

Le jour du détournement de l'avion, Danielle Cravenne dénonce "l'égoïsme, le fric, la politique, l'indifférence" face à la sortie d'un film sur les relations entre les Arabes et les Juifs : "Elle a essayé de voir les différents producteurs de ce film et elle s'est heurtée à un mur".

Un avion détourné et un mort

Alors qu'elle demande que l'avion se pose au Caire, Danielle Cravenne accepte finalement que le Boeing 727-228 fasse une escale à l'aéroport Marseille-Marignane pour faire le plein de kérosène. Les passagers sont évacués et les membres du GIPN, déguisés en stewart, ouvrent le feu dans l'avion après trois heures de négociation. Danielle Cravenne meurt des suites de ses blessures, dans l'ambulance qui devait l'emmener vers une clinique.

Son mari intente un procès à l'Etat, estimant que la mort de son épouse, qui était fatiguée et déboussolée au moment des tirs et ne présentait plus de risque selon lui, aurait pu être évitée. Les policiers assurent avoir agi en situation de légitime défense. Les fragilités psychologiques connues de Danielle Cravenne, qui avait été soignée pour "dépression nerveuse", ne permettront pas à son mari d'obtenir la réparation judiciaire qu'il souhaitait. Sylvie Matton, une amie de la "pirate pacifiste", demandait encore à rouvrir le dossier dans l'Obs en 2022.