Mon Maître d'Ecole : "On a tous un instit qu'on veut remercier" [INTERVIEW]
Elle a décidé de revenir sur les traces de son ancien instituteur. Emilie Thérond lui consacre avec Mon Maître d'Ecole un film tourné lors de sa toute dernière année d'enseignement. Nous l'avons rencontrée en compagnie de Maître Burel, l'instituteur de Saint-Just-et-Vacquières qui est au centre de Mon Maître d'Ecole. C'est avec un regard très admiratif qu'Emilie Thérond est revenue dans la salle de classe qui l'avait accueillie durant six ans dans sa jeunesse. Devenue documentariste après son passage dans la classe de Monsieur Burel, elle n'a pas résisté à l'envie de transmettre ce qu'il représente pour elle. Le film sort dans les salles françaises le 13 janvier.
L'internaute.com : Quand est né le projet Mon Maître d'école ?
Emilie Thérond : J'étais en vacances à Uzès avec mes filles et j'ai eu envie de leur montrer le village dans lequel j'avais grandi et de leur présenter Maître Burel, que j'avais revu deux ou trois fois en trente ans. Quand je suis arrivée, il était là et quand il m'a dit qu'il partait l'année prochaine, je me suis dit 'c'est mon boulot de raconter des histoires et cette histoire c'est la mienne, elle m'intéresse et elle est universelle. Cet homme m'a transmis énormément de choses hyper importantes, je ne peux pas le laisser partir sans laisser une trace de ce qu'il m'a donné.'
Maître Burel, vous avez longtemps hésité avant de lui dire oui ?
Jean-Michel Burel : J'ai un petit peu hésité au début et elle m'a convaincu. J'ai senti que ça lui tenait beaucoup à cœur. On a démarré le premier jour de la rentrée 2011. J'ai eu des doutes au début, parce que je n'étais pas encore convaincu que je prenais ma retraite à la fin de cette année-là. Je peux même vous dire que le papier qu'on doit envoyer à l'Académie, il faut l'envoyer avant le 31 décembre, je crois que je l'ai envoyé le 27 ou le 28. C'était un geste très difficile à faire pour moi. Elle filmait la dernière année donc il fallait que ce soit la dernière année. Mais je ne regrette pas.
Emilie, vous vous êtes lancée dans le tournage sans l'aide d'un producteur. Au final, c'était imprudent ou irrépressible ?
ET : L'envie était trop forte, je n'avais pas le choix. Je prenais tellement de plaisir à le faire que même sans producteur, tous les mois j'y allais. J'ai tenu bon. Au cours du tournage, j'ai rencontré des producteurs qui me disaient que le projet était incroyable mais ça n'allait pas plus loin. Quand François-Xavier Demaison a vu les images et rencontré Monsieur Burel, il m'a dit 'là c'est une trop belle histoire, on va l'amener au cinéma.' C'était encore plus merveilleux que ce que je pouvais imaginer.

Quand on voit le film, on a l'impression que l'école est un petit cocon pour les élèves. Vous y avez beaucoup travaillé ?
JMB : C'est une petite structure. Au début, c'était une véritable classe unique parce qu'il y avait tous les cours. L'âme de cette classe amène cette ambiance un peu Bisounours. Les élèves se sentent bien et en sécurité.
ET : Ils sont bien dans leur classe. C'est la classe même qui est chaleureuse. Et comme elle est ouverte du matin au soir le weekend, n'importe quel élève peut rentrer, écrire au tableau. Ils s'approprient le lieu. On est chez nous. Même quarante ans après, je m'y sens encore chez moi.
JMB : Ils n'ont pas l'impression d'entrer dans un endroit sacré. C'est un lieu où on travaille, on apprend, on rit, on joue. C'est tout ça en même temps.
C'est un film qui vous est à la fois très personnel mais qui trouve une résonnance dans chacun de nous.
ET : D'abord, en tant qu'adulte on a tous le souvenir d'un instituteur qui nous a marqués, quelqu'un qui nous a ouvert des portes vers l'extérieur ou vers nous-même. C'est un sujet universel en ce sens que les instituteurs marquent. Il y a toujours quelqu'un qu'on a envie de remercier. On est tous passés par les bancs de l'école, on a tous le souvenir du son de la craie sur le tableau, de l'odeur des cahiers neufs, des petits mots qu'on se passait. Il y a aussi les valeurs qu'on y développe : la tolérance, l'honnêteté, le respect de l'autre, c'est essentiel et c'est ça qui fera de nous des hommes et des femmes responsables.
Entre les élèves et Monsieur Burel, qui a été le plus dur à filmer ?
ET : Monsieur Burel, évidemment ! Il a été hyper dur à filmer. Je rigole, c'était un bonheur de le filmer parce que j'ai de l'affection pour lui. Mais il est dur à filmer parce qu'il fait ce qu'il veut. On est en pleine séquence formidable où il se passe un truc et puis tout d'un coup la sonnerie du téléphone retentit au fin fond de la mairie et il part en pleine phrase ! Donc y a des frustrations. Ou bien il a prévu un cours et finalement il en fait un autre. C'était difficile de le suivre. C'est ce qui en fait un film assez brut au final. Il fallait suivre son rythme !