Attention à cette technique cynique pour faire "grimper le prix des obsèques" : les géants des pompes funèbres épinglés

Attention à cette technique cynique pour faire "grimper le prix des obsèques" : les géants des pompes funèbres épinglés Le secteur des pompes funèbres a fait évoluer ses pratiques ces dernières années. Une enquête journalistique lève le voile sur des méthodes pas très morales.

Un livre-enquête explosif, Les Charognards (Seuil) publié ce 17 octobre, lève le voile sur les dérives d'un secteur très florissant : celui des pompes funèbres. Les journalistes Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse y décrivent une industrie de la mort transformée en machine à profits, où certaines pratiques commerciales flirtent avec la manipulation des familles endeuillées.

Pendant plus d'un an, les deux auteurs ont sillonné la France, rencontré des employés de sociétés funéraires, des familles, des cadres de groupes privés et des élus locaux. Leur constat est sans appel : les obsèques sont devenues un marché extrêmement lucratif, dominé par deux mastodontes, OGF (PFG, Dignité Funéraire…) et Funecap (Le Choix Funéraire, Roc-Eclerc, etc.), qui se partagent plus de 30% du marché national.

Selon Les Charognards, cette concentration a favorisé une homogénéisation des méthodes et une dérive inquiétante qui amène à ce que la mort soit "gérée comme un centre d'appels". Les conseillers funéraires reçoivent des consignes commerciales précises, avec des objectifs chiffrés, des marges à tenir, et des "packs" à vendre aux familles très éprouvées. "Le deuil n'est plus un moment d'accompagnement, mais une opportunité de vente", écrivent Huguerre-Cousin et Slisse.

L'un des chapitres les plus frappants du livre détaille une technique cynique, ce que les auteurs appellent une "montée du devis". Cette pratique consiste à proposer aux familles un devis initial volontairement bas, pour rassurer et engager la confiance, avant de faire grimper les coûts en ajoutant, après coup, des prestations jugées "nécessaires" : capitons "obligatoires", cercueils plus chers pour la crémation, suppléments pour les cérémonies, voire pour la simple présentation du corps.

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Des employés interrogés témoignent d'un système bien huilé : "On ne ment pas, on oriente", confie ainsi une ancienne conseillère de Funecap. D'autres évoquent des scripts commerciaux imposés, où l'on apprend à reformuler la douleur en argument de vente. Résultat : les prix moyens des obsèques ont bondi de 35% en dix ans, selon les chiffres cités par les auteurs, atteignant aujourd'hui près de 4 200 euros pour une inhumation et 3 800 euros pour une crémation.

Le livre décrit également la manière dont les grands groupes ont rationalisé la mort : mutualisation des chambres funéraires, standardisation des cercueils, chaînes logistiques identiques à celles de la grande distribution. Les crématoriums sont parfois gérés à flux tendu, avec des cadences dignes d'une usine. Un salarié d'un crématorium de la région lyonnaise résume : "On traite les défunts comme des colis." Les auteurs évoquent également des pratiques de sous-traitance opaques : sociétés privées qui facturent des prestations publiques, gestion externalisée de la propreté ou du transport, sans toujours respecter les normes sanitaires.

[Mise à jour] Correction : Cet article mentionnait qu'OGF et Funecap "se partagent près de 70 % du marché national". Or, selon les données publiées par la Fédération Française des Pompes Funèbres (FNF), qui a contacté la rédaction, ces deux groupes représentent environ 30% du secteur, et non 70%.