De l'ASE à la prison : le nombre d'enfants placés condamnés à la détention est gigantesque
"La protection de l'enfance est dans le gouffre". Isabelle Santiago, députée socialiste du Val-de-Marne, tire la sonnette d'alarme sur le fonctionnement de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sur Franceinfo ce mardi 8 avril. Alors que les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur la refondation du système d'aide à l'enfance sont publiées ce mardi, la rapporteure du dossier insiste sur le manque de moyens criant qui empêche à l'ASE de réaliser ses missions.
Les services de l'ASE, assurés par les départements depuis les années 1980, suivent 396 900 enfants sur l'ensemble du territoire français selon le dernier décompte officiel. Ils doivent prendre en charge et accompagner les enfants qui se trouvent en difficulté psycho-sociale et qui, pour des raisons diverses, ne peuvent demeurer dans leur famille et ce, jusqu'à leurs 21 ans. Problème, les enfants pris en charge sont accueillis en "sureffectif" par de professionnels insuffisamment nombreux et "en perte de sens" au regard leurs conditions de travail, indique l'élue.
"Il manque 30 000 postes", alerte Isabelle Santiago qui regrette par ailleurs que "la protection de l'enfance ne soit régulée par aucune norme". Le rapport de la commission d'enquête constate qu'aucune réglementation en vigueur pour la protection de l'enfance n'est respectée, comme par exemple l'interdiction de placer des enfants suivis par l'ASE dans des hôtels faute de place. "On [dit] dans le rapport qu'aucune loi depuis 2007 n'est exécutée. Mais ce n'est pas entendable. [Les réglementations] ne s'appliquent pas au détriment des plus vulnérables, les enfants", a insisté l'élue auprès de La Montagne.
Exposés à la précarité, la maladie et la délinquance
"Les premières victimes de cette situation, ce sont bien évidemment les enfants et les jeunes majeurs de l'aide sociale à l'enfance", souligne le rapport. Certains chiffres montrent que l'ASE ne remplit pas pleinement ses missions, ou du moins pas auprès de tous les mineurs pris en charge. Les dysfonctionnements, couplés aux traumatismes subis par les enfants avant leur arrivée à l'ASE, finissent par conduire vers la précarité ou par affecter la santé des individus. "Les enfants de l'ASE connaissent deux fois plus de maladies cardiovasculaires, deux à trois plus fois de maladies respiratoires, deux fois plus de cancers", a affirmé Céline Greco, cheffe du service de médecine de la douleur et palliative de l'hôpital Necker. Ils sont aussi plus à risque de développer des troubles du sommeil, du comportement ou des syndromes dépressifs ajoute le rapport.
Dans d'autres cas, la précarité des personnes passées par l'ASE s'observe par l'accès au logement. "45% des jeunes de 18 à 25 ans sans domicile fixe sont issus de l'ASE" et "23% des adultes nés en France et hébergés par un service d'aide ou fréquentant un lieu de distribution de repas ont été placés dans leur enfance" écrit le rapport. Cette précarité fait des enfants de l'ASE des cibles pour les prédateurs qui les entraînent dans l'illégalité comme les proxénètes qui "recrutent au sein même des structures d'accueil" grâce aux nombreux dysfonctionnements.
Plus que vers la précarité, les parcours de ces enfants mal pris en charge peuvent les conduire vers la délinquance comme le relevait le Comité économique, social et environnemental (CESE) dans un rapport de 2023. Il citait une étude de décembre 2022 selon laquelle plus de 41% des détenus et de 37% des détenues ont fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative dans l'enfance. Il faut garder à l'esprit que ces cas restent une minorité et que de nombreux enfants passés par l'ASE ont été aidés, protégés et ont eu des parcours de vie réussis, mais le rapport insiste sur ce qu'il reste à faire pour que ce soit le cas de tous les bénéficiaires de l'ASE.