Le RSA suspendu ? Une mesure du gouvernement "disproportionnée" selon cette instance rattachée à Matignon

Le RSA suspendu ? Une mesure du gouvernement "disproportionnée" selon cette instance rattachée à Matignon L'exécutif souhaite pouvoir suspendre le RSA de 30 % à 100 % en cas de manquement au contrat d'engagement. Une mesure déjà décriée par le CNLE, une entité chargée d'assister le gouvernement.

Depuis le 1er janvier 2025, plusieurs mesures pour le plein emploi sont entrées en vigueur. Les bénéficiaires du RSA doivent désormais "signer un contrat d'engagement comportant un plan d'actions précisant ses objectifs d'insertion sociale et professionnelle". C'est dans le cadre de ce "plan d'actions" que s'inscrivent les fameuses 15 heures d'activité hebdomadaires pour bénéficier de l'allocation. Ces activités ne peuvent pas être un emploi salarié, ni un travail bénévole. Cela peut être l'obtention du permis de conduire, avec des aides au financement, l'immersion en entreprise ou la participation à des activités associatives.

Désormais, le ministère du Travail planche sur un barème de sanctions en cas de "manquement" au contrat d'engagement de la part des bénéficiaires du RSA, d'après un document transmis aux conseils départementaux et qu'a pu consulter l'Agence Radio France jeudi 20 mars. Ce barème prévoit deux niveaux de manquement au contrat d'engagement dans le cadre du dispositif "suspension-remobilisation", prévu par la loi du 18 décembre 2023. Un décret est prévu en Conseil d'Etat "pour en fixer le cadre."

Suspension puis suppression de l'allocation

Dans les faits, un premier manquement entraînera "une suspension remobilisation" des allocations, "dans une fourchette allant de 30% à 100% pour 1 ou 2 mois". "La quotité est plafonnée à 50% pour les foyers composés de plus d'une personne. Si la personne se remobilise au cours de la durée de sanction prévue, le montant suspendu est reversé. En l'absence de remobilisation, le montant est de facto supprimé", indique le document.

En cas de "second manquement, de persistance ou réitération (...) donnant des marges pour apprécier la gravité du manquement", le document prévoit d'abord "une suspension de 30% à 100% de 1 à 4 mois, qui s'interrompt en cas de remobilisation de la personne". Puis, "une suppression de 30% à 100% de 1 à 4 mois". "Tant pour la suspension que pour la suppression, la quotité est plafonnée à 50% pour les foyers composés de plus d'une personne", peut-on également lire. 

Le CNLE tire la sonnette d'alarme

Cette suspension du RSA en cas de manquement au contrat d'engagement de la part des bénéficiaires est loin de faire l'unanimité. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) - instance rattachée au Premier ministre, chargée d'observer l'évolution de la pauvreté, des inégalités et de l'exclusion en France, et d'assister le gouvernement, par ses avis, sur toutes les questions de son champ d'expertise - publiait justement un avis mettant en garde contre la suspension "sans discernement" de l'allocation. Il propose plutôt la mise en place d'un "revenu plancher", pour que l'application des sanctions ne puisse totalement priver les ménages de ressources. Un "moratoire" sur le décret relatif aux sanctions pour éviter des ruptures de droits et des "radiations infondées" est également évoqué.

Dans son avis, le CNLE estime que le renforcement des sanctions est "disproportionné au regard du volume, marginal, des situations de fraudes et étend une suspicion à l'encontre de l'ensemble de la population des bénéficiaires de la solidarité nationale". Le Conseil pestait déjà contre l'obligation pour les allocataires d'effectuer 15 heures d'activité. Selon lui, cela pourrait entraîner une "pression démesurée sur les publics concernés", constituer une "contrainte susceptible de priver le travail d'accompagnement social de son sens", voire "détourner le bénévolat de son caractère libre". 

Pour Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, les sanctions posent un problème social majeur, voire sociétal en "alimentent l'idée que les difficultés du pays seraient liées aux plus fragiles". "Le gouvernement a peut-être mieux à faire par les temps qui courent que d'aller chercher des gens qui survivent avec 640 euros par mois", lance-t-il ce vendredi sur France Info. Une analyse partagée par la secrétaire générale du Secours populaire, Henriette Steinberg pour TF1 : "L'idée de sanctionner des personnes qui sont déjà en très grande difficulté (...) veut dire que leurs difficultés vont s'accroître", regrette-t-elle.