Des crèches privées maltraitantes, ce que dénonce le livre "Le Prix du berceau"

Des crèches privées maltraitantes, ce que dénonce le livre "Le Prix du berceau" L'enquête "Le Prix du berceau" lève le voile sur les mauvais traitements subis par les enfants dans les crèches privées françaises, témoignages de parents et de professionnels de la petite enfance à l'appui.

Des crèches qui laissent cours à des "situations de maltraitance", d'après les mots de la présidente du comité filière petite enfance, Élisabeth Laithier. C'est le constat qui est fait dans le livre Le prix du berceau à paraître le vendredi 8 septembre aux éditions Seuil et dans lequel Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse relatent les mauvais traitements que subissent les enfants dans les crèches privées. Pas moins de 200 témoignages de parents et de salariés ou d'ex-salariés de ces établissements privés ont servi de matière et ont permis d'illustrer des manquements : repas rationnés voire non distribués, soins minutés, hygiène reprochable... Des pratiques déjà pointées du doigt dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié en avril 2023. 

Les accusations de mauvais traitements concernent les quatre groupes leaders sur le marché des crèches privées - Grandir (Les petits chaperons rouges), La Maison Bleue, Babilou, People & Baby - qui représentent 20% des places disponibles en crèche et réalisent un chiffre d'affaires estimé entre 1,1 et 1,4 milliard d'euros, d'après un rapport de Matignon publié en 2021.

Priorité à la rentabilité dans les crèches privées

Derrière cet important chiffre d'affaires se cache une course à la rentabilité dénoncée par les auteurs du livre, mais aussi par des professionnels de la petite enfance qui ont été ou sont pris dans l'engrenage. L'objectif d'accueillir un maximum d'enfant dans les établissements est posé dans plusieurs établissements selon plusieurs témoignages du livre : "C'est comme un avion. Vous avez des charges fixes, il faut remplir au maximum", explique d'ailleurs un ancien cadre d'un des groupes leader dans le secteur des crèches privées. Au point de pratiquer le surbooking en accueillant plus d'enfants que ce que le quotas autorise, surchargeant au passage les professionnels de la petite enfance de travail. Ces derniers ne peuvent en théorie avoir plus de cinq enfants en bas âge en même temps, pas plus de huit s'il les enfants sont plus grands. Pourtant, les témoignages d'employés de crèche ayant eu à surveiller plus d'une dizaine d'enfants ne sont pas rares.

Si le surbooking est occasionnellement toléré pour répondre à des situations d'urgence, à des besoins qui ne correspondent pas aux créneaux des crèches, il ne peut pas compenser des trous dans l'emploi du temps des structures, rappelle le journaliste Mathieu Périsse sur BFMTV : "On est à la limite de la légalité. Ce qui est censé être l'exception devient la règle de fonctionnement pour grappiller des points de rentabilité supplémentaires".

Blessures, repas rationnés et soins minutés

Cette quête de rentabilité, dans un secteur où le service à la personne est censé être prioritaire, peut entrainer des risques "pour la sécurité" des enfants. Plusieurs cas de maltraitance physique ont été rapportés par des parents ayant vu des traces de coups et de blessures sur leurs enfants. Des marques causées par les autres enfants lors d'un défaut de surveillance comme l'a suggéré une journaliste d'Europe 1, selon sa propre expérience de mère, ou par les employés de crèche à bout dans le pire des cas. L'affaire de l'employée de crèche qui avait empoisonné une fillette au destop dans un établissement lyonnais en juin 2022, avait attiré l'attention sur les conditions d'accueil des enfants dans les crèches privées.

La consommation des produits alimentaires ou hygiéniques est aussi regardée de prêt dans les grands groupes et pour quelques économies les repas et les couches sont rationnées. Il a manqué "entre 3 et 5 repas, deux jours par semaine" pendant plusieurs mois dans une crèche privée des Bouches-du-Rhône apprend-on au début du livre. Quant aux couches, elles ne sont pas toujours changées au cours de la journée, rapporte également la journaliste d'Europe 1.

La recherche de rentabilité va jusqu'à peser sur le temps et l'attention accordés à chaque enfant. Des professionnels de santé ont reconnu être minutés au moment de prodiguer certains soins ou simplement de changer une couche pour gagner en efficacité. D'autres indiquent qu'entre les tâches ménagères et le nombre d'enfants à leur charge, il est impossible de mettre en place les activités pédagogiques et d'éveil promis par les groupes privées de crèche.

Une crèche sur cinq concernée

Des dysfonctionnements de la sorte, dont certains sont responsables de maltraitance, concerneraient une crèche sur cinq d'après la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et en particulier les micro-crèches des groupes privés. "C'est impardonnable, inqualifiable, car on s'adresse à des tout-petits, des êtres sans défense", a lancé la présidente du comité filière petite enfance sur franceinfo le 6 septembre qui enjoint les structures à dire "stop" à la logique de rentabilité qui met en danger les enfants.