Jonathan Destin : la cause de sa mort reste inconnue

Jonathan Destin : la cause de sa mort reste inconnue JONATHAN DESTIN. Symbole de la lutte contre le harcèlement scolaire, Jonathan Destin est décédé. C'est la maman de celui qui avait tenté de se suicider en s'immolant par le feu en 2011, dans le Nord, qui a annoncé sa mort sur Facebook, mercredi 23 août 2022.

[Mis à jour le 23 août 2022 à 19h58] Il était une figure de la lutte contre le harcèlement scolaire et n'avait que 27 ans. Malheureusement, Jonathan Destin est décédé, a annoncé sa mère Marie-Pierre dans un message publié sur Facebook ce mardi 23 août. En 2011, le jeune homme avait tenté de mettre fin à ses jours par immolation. Deux ans plus tard, il avait raconté son histoire dans un livre intitulé "Condamné à me tuer" (XO Editions), puis en 2018, grâce à un téléfilm diffusé sur TF1 et intitulé "Le jour où j'ai brûlé mon cœur". Ces deux œuvres retraçaient ses six années de harcèlement et de racket, jusqu'à ce geste de désespoir, qui l'avait laissé brûlé à 72% et avait conduit à un coma artificiel de deux mois et demi puis à trois années d'hospitalisation.

La cause de la mort de Jonathan Destin est encore inconnue. Son décès remonterait au samedi 20 août selon CNews. "À tous ceux qui ont connu Jonathan, par son histoire, son livre, son film, dans les écoles, qui l'ont un jour croisé, parlé, vous qui nous suivez depuis tant d'années, j'ai malheureusement une triste nouvelle à vous annoncer, Jonathan est décédé samedi chez moi dans son sommeil", s'est contentée d'écrire sa mère sur le réseau social, "le cœur déchiré". Dominique Legrand, maire de Marquette-lez-Lille (Nord), dont était originaire Jonathan Destin, a assuré que le jeune homme "souffrait beaucoup de ses brûlures et des nombreuses opérations qu'il avait subies". La Voix du Nord indique qu'une autopsie doit être réalisée et que la police a ouvert une enquête sur cette disparition.

Depuis sa tentative de suicide, Jonathan Destin aspirait à "une vie normale" mais  vivait avec de lourdes séquelles. "Aujourd'hui encore, je dois subir des soins pour mes brûlures, car j'ai vécu deux années entières à l'hôpital", indiquait-il à LCI notamment. "Mais je suis en période de reconstruction, j'avance, chaque pas que je fais est un pas en plus", assurait-il.

La mort de Jonathan Destin annoncée sur Facebook

Quelle est l'histoire de Jonathan Destin ?

Jonathan Destin est né le 9 décembre 1994 à Lille et a suivi l'ensemble de sa scolarité dans le Nord. Dans un entretien avec 20 Minutes en 2018, au moment de la sortie du téléfilm "Le jour où j'ai brûlé mon coeur", il était revenu sur son calvaire, infligé par ses harceleurs dès l'année de CM2. Son patronyme, son poids, sa dyslexie... Les motifs de brimades sont rapidement devenus récurrents. "Je suis sans doute devenu leur victime car j'étais trop timide et que je ne répliquais pas quand ils m'insultaient. Ils ont vu que j'étais une proie facile."

Avant de poursuivre : "Certains profs faisaient semblant de ne pas se rendre compte de ce que je vivais, car ils avaient peur des élèves harceleurs. D'autres n'ont rien su, car je n'osais pas en parler, de peur des représailles. Et plusieurs fois, quand je tentais de me défendre contre les coups, j'ai même écopé d'heures de colle."

Dans Le Parisien, Jonathan Destin avait aussi expliqué avoir eu "honte" de ce qu'il vivait à l'école. Surtout par rapport à son père : "quelqu'un de fort et il ne se serait pas laissé faire".

Pourquoi Jonathan Destin a-t-il décidé de se donner la mort ?

Ce harcèlement va s'intensifier au milieu du collège. "Durant ma 4e, j'ai perdu énormément de poids, 15 kg en deux mois, quand j'ai commencé à être racketté. Je ne mangeais plus que le matin. C'était un appel à l'aide. Mes parents ont demandé à mes sœurs ce qu'elles savaient et elles ont pensé que je voulais plaire à une petite copine. Ma mère a interrogé l'infirmière scolaire qui a répondu que ce n'était pas de l'anorexie", détaillait encore Jonathan Destin dans la presse.

Jusqu'à ce jour du 7 février 2011, lors duquel, à 16 ans, il sera racketté avec une arme, sans savoir que celle-ci était factice. Sommé de verser 100 euros à ses agresseurs, Jonathan Destin préférera dès le lendemain s'asperger d'alcool à brûler pour s'immoler par le feu. Pris d'un réflexe salvateur, il se sauvera en se jetant dans la Deûle in extremis. Il expliquait ce cheminement mortifère à Brut en 2018.

Assurant regretter son geste de désespoir, Jonathan Destin sensibilisait depuis sur le harcèlement. "Il ne faut pas rester enfermé dans son coin, pour combattre le harcèlement, il faut en parler", martelait le jeune homme. "J'ai envie de me bouger et de faire bouger les choses au niveau du harcèlement, et pour moi aussi. Continuer à en parler, ça m'aide psychologiquement. Je suis souvent contacté par des gens qui ont vécu la même chose, des professeurs, des parents. Ils me demandent des conseils", confiait-il par exemple à LCI. Au printemps dernier, il sillonnait encore les lycées du Nord pour libérer cette parole, comme au  lycée Louis-Armand à Jeumont en mai dernier.

Quant à ses bourreaux, Jonathan Destin n'a jamais porté plainte contre eux. "Je n'ai jamais osé, mais je sais que je peux encore le faire. J'ai encore peur d'eux, de les croiser, mais si ça arrivait, j'appellerai tout de suite la police. J'espère qu'ils regrettent", confiait le jeune homme à France 3. Et de conclure : "Mais pour ma part, je pense qu'un jour, j'oublierai, ça va déjà beaucoup mieux." Quoi qu'il en soit, depuis toutes ces années, ses harceleurs "ne sont pas venus s'excuser".

Jonathan Destin avait raconté son histoire dans un livre 

En 2013, Jonathan Destin a écrit un livre retraçant son histoire particulièrement douloureuse. Deux ans plus tôt, en 2011, le garçon âgé alors de 16 ans s'était immolé par le feu. Brûlé à 72%, il fera deux mois et demi de coma artificiel et sera hospitalisé, par la suite, pendant trois ans. À l'aide de sa plume, Jonathan Destin revient sur les passages marquants de sa vie qui l'ont poussé à commettre l'irréparable. Harcelé à l'école, il raconte notamment un épisode extrêmement douloureux. Roué de coups à l'intérieur de l'enceinte scolaire, il s'en plaint à son professeur principal qui lui indiquera : "Ils s'amusent avec vous." L'adolescent n'a pas le même souvenir : "Mais ils me frappaient vraiment. Ils n'avaient pas l'air de rigoler."