Bouteilles d'eau : Badoit, Perrier, Evian... Les marques concernées par les microparticules de plastique
[Mis à jour le 22 juillet 2022 à 12h08] C'est une étude choc qui est sortie en ce mois de juillet 2022. Selon cette dernière, 78% des bouteilles d'eau analysées dans cette enquête comprennent des microparticules de plastique. L'ONG Agir pour l'environnement est à l'origine de ces révélations. Les grands groupes du secteur de l'eau peuvent trembler, d'autant que les noms des entreprises concernés par cette enquête ont été communiqués. Les mauvais élèves sont Vittel, Perrier, Evian, Cristaline et Badoit. En effet, selon l'étude, leurs bouteilles contiennent des microparticules, à hauteur d'une à sept microparticules par litre. En revanche, Volvic et Carrefour seraient irréprochables à ce niveau-là. L'ONG explique cette différence notable : "Chaque fabricant a une composition qui lui est propre, il peut utiliser des dizaines de substances différentes comme additifs."
L'association écologiste, connue pour son engagement contre la production massive de plastique, a commandé une étude au laboratoire breton Labocéa. Il s'agissait de comptabiliser et d'analyser la présence de fragments de plastique, dits "microplastiques", dans neuf des bouteilles d'eau minérales les plus commercialisées de France. Au total, sept d'entre elles contenaient ces particules, qui sont pour la plupart des fragments de plastique composant les bouteilles et bouchons, soit le polyéthylène téréphtalate et le polypropylène. Ces microplastiques sont des particules de taille inférieure à 5mm et peuvent faire jusqu'à 1 micromètre. La grande interrogation des scientifiques est pour l'heure de comprendre comment elles ont pu se retrouver dans notre eau. Comme l'a expliqué au Parisien Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes santé-environnement de l'association, "la contamination peut venir de l'emballage ou du processus d'embouteillage". Il est donc probable que lorsque l'on débouche le capuchon, des "petits micro-débris de plastique" se détachent. On fait le point sur les marques concernées et sur les dangers que ces particules peuvent présenter pour la santé.
Quelles sont les marques de bouteilles d'eau identifiées dans l'étude ?
Dans l'étude du laboratoire Labocéa, sept bouteilles d'eau sur neuf ont dont été identifiées comme comprenant des doses non négligeables de microplastiques. Quelles sont ces bouteilles qui ont été achetées en magasin pour l'étude ?
- Cristaline
- Evian
- Vittel
- Montclar
- Volvic
- Perrier
- Evian
- Badoit (petit format - 33cl)
- Badoit (grand format - 1,5 litres)
Les seules rescapées sont la Volvic et la Montclar, du distributeur Carrefour : aucune trace de ces particules n'y a été retrouvée. La plus mal classée est Vittel Kids, une bouteille d'eau plate de 33cl destinée aux enfants, pour laquelle les analyses ont fait état de quarante microplastiques pour seulement 33 centilitres d'eau... Ce qui correspond à environ 120 par litre. Selon Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes pour Agir pour l'environnement, "c'est au moment de l'ouverture que se détache des petits micro-débris de plastique". Pour les autres bouteilles, on est entre un et huit microplastiques par litre.
Y a-t-il un danger pour la santé ?
"On achète l'eau, on la pense pure, meilleure pour notre santé, meilleure pour nos enfants. Mais on s'aperçoit que non'", s'est désolée Nathalie Gontard, spécialiste du sujet à l'INRAE. La vraie question que posent ces premières analyses est celle des conséquences réelles de ces microplastiques sur la santé humaine. Ces chiffres, déjà alarmants, pourraient ne représenter qu'une part minime du total des microplastiques présents ; c'est du moins ce que craint l'association écologiste qui, par la voix de son directeur général Stephen Kerckhove, rappelle : "Ce qu'on a trouvé, c'est le minimum du minimum". En réalité, cette analyse est peut-être passée à côté d'"un nombre considérable de particules qu'un consommateur va ingérer" dans la mesure où ces bouteilles "n'ont pas été stockées ni exposées à la chaleur ou à la lumière, et que les bouchons n'ont pas été ouverts plusieurs fois ou mâchouillés par des enfants", a-t-il détaillé. Le neoud du problème réside dans l'absorption de ces particules dans l'organisme, dans la mesure où il n'est pas certain qu'elles se dégradent réellement. "Notre corps n'est pas équipé pour s'en débarrasser. Nos enzymes ne vont absolument pas attaquer ce plastique qui va perdurer jusqu'à notre mort. Et ensuite, il va créer des déséquilibres, comme des destructions cellulaires" a avancé la scientifique Nathalie Gontard, membre de l'Institut de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, lors de son passage sur RMC.
Toutefois, pour l'heure, il apparaît trop tôt pour tirer des conclusions de ces découvertes. D'une part parce que l'étude n'a pas de valeur scientifique réelle dans la mesure où une seule bouteille de chaque marque a été analysée : selon Eric Laporte, le directeur du laboratoire missionné par Agir pour l'environnement, pour obtenir des chiffres ou des tendances fiables, "il serait nécessaire de réaliser a minima des triplicatas sur des lots différents, en comparant des volumes identiques". En outre, l'aspect sanitaire et scientifique de ces microparticules de plastique est encore mal connu, parce qu'il existe peu d'études certifiées sur le sujet, l'atteste la déclaration de la représentante du principal syndicat des minéraliers français : "Notre secteur y travaille, mais sans méthode de référence, on ne peut pas sortir une étude fiable à ce sujet." (propos rapportés par Le Parisien). Sans consensus scientifique ni méthode de mesure de ces particules dans l'eau, la question dans l'impact sur la santé reste en suspens. Pour nuancer cette incertitude, on peut toutefois citer la fameuse étude menée en 2018 par des scientifiques américains et publiée sur le site Frontiers in Chemistry : elle avait révélé la présence de micro-plastiques dans l'eau en bouteille de nombreuses marques du monde entier, avec précisément 93% des échantillons d'eau de 259 bouteilles différentes qui étaient contaminés.
Quelle est la réponse des marques mises en cause par l'étude ?
Pour sa part, l'ONG qui a lancé l'alerte estime que ces trouvailles devraient déjà déclencher le principe de précaution. En effet, pour éviter une plus ample production de ces particules encore mal connues et potentiellement néfastes pour la santé, elle plaide pour l'interdiction des bouteilles en plastique d'ici les cinq prochaines années. Elle demande plus précisément aux fabricants de les remplacer par des bouteilles en verre ou par de la vente en vrac. En outre, Agir pour l'environnement s'inquiète de l'abondante publicité -toujours valorisante- faite autour de ces marques. C'est notamment ce qu'a expliqué Magali Ringoot, coordinatrice des campagnes santé-environnement de l'association pour le cas de la bouteille Vittel Kids : "Ça nous inquiète particulièrement, car les enfants sont visés par le marketing de cette bouteille".
Mais, du côté des marques mises en cause, on nie pour l'heure la potentialité de la présence de particules plastiques néfastes pour la santé dans ces bouteilles : "La publication est très anxiogène pour le consommateur alors qu'il n'y a pas de crainte à avoir vis-à-vis de nos produits", s'est défendue Marie-Ange Badin, la déléguée générale du syndicat Maison des eaux minérales naturelles. "L'eau minérale est aujourd'hui un des biens de consommation les plus contrôlés, que ce soit en interne ou par des laboratoires agréés par les agences régionales de santé : l'eau doit être pure, naturelle, et non polluée", a-t-elle argumenté.