Michel Briand et Agnès Bordeau : les deux religieux français otages menacés de mort

Michel Briand et Agnès Bordeau : les deux religieux français otages menacés de mort Sept religieux catholiques, dont le prêtre Michel Briand et la sœur Agnès Bordeau, ont été enlevés à Haïti le 11 avril. Les individus suspectés d'être à l'origine du kidnapping sont des membres d'un gang armé. Ils réclament un million de dollars de rançon.

[Mis à jour le 12 avril 2021 à 18h24] L'inquiétude grandit au lendemain du kidnapping de sept religieux catholiques à Port-au-Prince, capitale de Haïti. Parmi les otages, on compte deux missionnaires Français, installés sur place depuis plusieurs années. Dimanche 11 avril, Michel Briand, prêtre originaire de Bretagne, membre de la société des prêtres de Saint-Jacques, et Agnès Bordeau, sœur de la Providence de la Pommeraye et originaire de Mayenne, ont été enlevés alors qu'ils se rendaient à l'installation d'un nouveau curé. Les faits se sont déroulés à la Croix-des-Bouquets, à proximité de la capitale. À Paris, le ministère des Affaires étrangères a confirmé l'enlèvement des deux ressortissants Français. "Le centre de crise et de soutien du ministère ainsi que notre ambassade en Haïti sont pleinement mobilisés, en relation étroite avec les autorités locales", a-t-il précisé à l'AFP. Et de poursuivre : "Pour des raisons d'efficacité et de sécurité, nous observons la plus grande discrétion".

Le gang armé baptisé "400 Mawozo" est soupçonné par la police d'être à l'origine de cet enlèvement. Les ravisseurs réclament un million de dollars de rançon. Une information confirmée par le père Jean-Marie Rosemond Joseph, membre de la Société des prêtres de Saint-Jacques, qu'a pu joindre franceinfo ce lundi. "Un prêtre m'a appelé et m'a passé un des membres des "400 Mawozo". Il m'a dit que les gens sont entre ses mains et que je dois payer une rançon d'un million de dollars, sinon ils vont "'tourner ça en barbecue'", a-t-il ainsi indiqué. La Conférence haïtienne des Religieux (CHR) a précisé dans un communiqué que trois autres personnes, les proches d'un autre prêtre ne faisant pas partie des personnes enlevées, ont également été kidnappées. "La CHR exprime son profond chagrin mais aussi sa colère face à la situation inhumaine que nous traversons depuis plus d'une décennie", souligne-t-elle dans son communiqué relayé par l'AFP. 

Qui est le père Michel Briand ?

Le père Michel Briand, membre de la société des prêtres de Saint-Jacques, basée à Guiclan (Finistère), est originaire de Messac en Ille-et-Vilaine. Agé de 67 ans, il est engagé en Haïti depuis plus de trente ans pour venir en aide aux populations civiles. "Pour moi, la meilleure façon de vivre notre impuissance face à l'adversité, c'est d'être au milieu des Haïtiens et de partager leur quotidien", racontait-il à l'hebdomadaire La Vie, en 2010. Un portrait de ce "curé des bidonvilles" évoquait alors sa popularité parmi les populations, tout juste frappées par un violent séisme. Ce n'est pas la première fois que le père Michel Briand est victime de l'insécurité qui sévit dans le pays. Le 31 août 2015, il était tombé dans un guet-apens dans une rue de Port-au-Prince. Il avait alors reçu deux balles dans le ventre en sortant d'une banque. Gravement blessé, il avait passé plusieurs semaines à l'hôpital de Fort-de-France en Martinique avant de terminer sa convalescence en Bretagne, comme le rapportait Ouest France à l'époque. 

La société des prêtres de Saint Jacques est aujourd'hui mobilisée pour venir en aide à Michel Briand. Interrogé par France Bleu, le père Paul Dossous, supérieur général, a ainsi expliqué : "Je suis en état de choc comme toute la congrégation mais je ne suis pas inquiet pour le père Michel. C'est quelqu'un de très fort et de très calme. Il se donne beaucoup mais mon inquiétude c'est que ce genre de situation est invivable et traumatisante. Nous essayons de faire tout notre possible pour les faire libérer". 

Qui est la sœur Agnès Bordeau ?

Agnès Bordeau, 80 ans, est originaire de Peuton en Mayenne. Membre de la communauté de la Providence de la Pommeraye, elle officie en Haïti depuis la fin de l'année 2018. "Face à tant d'insécurité, de difficultés et de souffrances que connait Haïti, je pourrais être tentée de repartir en France, mais pour les Haïtiens et avec eux, je vais essayer de faire confiance à Dieu, pour réaliser ce qu'il souhaite", témoignait-elle après son arrivée sur place, sur le site internet de sa congrégation. Auparavant, elle a œuvré au Guatemala mais aussi et surtout aux Honduras. Ses activités étaient notamment soutenues par l'association "Casa Honduras", implantée à Quelaines-Saint-Gault (Mayenne).  

La religieuse partage un triste point commun avec son co-otage, puisqu'elle a, elle aussi, déjà été victime de la violence et de la délinquance qui gangrènent ces pays d'Amérique centrale. En 2010, elle racontait à La Croix la séquestration qu'elle avait subie avec deux religieuses honduriennes, à Mixco, banlieue populaire de la capitale du Guatemala. Trois hommes, à la recherche d'argent, s'étaient introduits dans son lieu de résidence. Pendant que deux d'entre eux fouillaient la maison, sœur Agnès Bordeau s'était retrouvée pendant une quinzaine de minutes sous la menace du troisième, pistolet posé sur la tempe. "Je savais qu'ils pouvaient me tuer mais je n'ai pas eu peur", assurait-elle alors. 

Des kidnappings de plus en plus fréquents à Haïti 

Haïti, qui fait partie des pays les plus pauvres du continent américain, est en proie à une vive crise politique depuis plusieurs mois. En mars, les autorités en place ont décrété l'état d'urgence pour un mois dans certains quartiers de la capitale et dans une région de province. Objectif : "restaurer l'autorité de l'Etat" dans des zones contrôlées par des gangs. "Il ne se passe pas un jour sans pleurs et grincements de dents et pourtant les soi-disant leaders de ce pays, tout en s'accrochant au pouvoir, sont de plus en plus impuissants", ajoutait la Conférence haïtienne des Religieux dans son communiqué. Le 3 avril dernier, plusieurs centaines de femmes ont manifesté dans les rues de Port-au-Prince, pour dénoncer l'emprise grandissante des gangs sur le territoire. Selon le journal local Le Nouvelliste, un autre kidnapping s'est produit ce dimanche 11 avril, plus au sud de la capitale. Deux hommes, un médecin et un expert-comptable, ont été enlevés.