Oksana Chatchko : suicide de la fondatrice des Femen, qui avait été brutalement évincée
[Mis à jour le 24 juillet 2018 à 16h45] Elle se serait suicidée et aurait laissé une lettre expliquant son geste. Oksana Chatchko, activiste ukrainienne et membre fondatrice des Femen, a été retrouvée morte dans son appartement situé à Paris, ce lundi 23 juillet 2018. C'est l'organisation féministe qui a annoncé son décès ce mardi, à l'AFP. Oksana Chatchko avait 31 ans. Elle avait inspiré puis fondé le mouvement féministe il y a dix ans, en avril 2008. Dès l'été de l'année suivante, Oksana Chatchko avait manifesté seins nus à Kiev pour la première fois, donnant un moyen d'action choc à ses Femen. Arrivée en France en 2012 sous le statut de réfugiée politique, Oksana Chatchko va d'abord consolider les Femen dans l'Hexagone, mais sera vite évincée de la direction du mouvement, comme Anna Hutsol et Sacha Shevchenko deux autres membres fondatrices.
Dans une enquête parue en septembre 2017, Olivier Goujon a raconté cette éviction brutale par le menu et le changement opéré dans la direction des Femen depuis leur création. Dans le livre "Femen, histoire d'une trahison" (Max Milo), le journaliste, qui a suivi le parcours du groupe depuis l'Ukraine jusqu'en France, pointait la responsabilité d'Inna Chevtchenko dans ce "gâchis", celle qui est aujourd'hui leader de l'organisation et celle-la même qui a annoncé le décès d'Oksana Chatchko aujourd'hui. Olivier Goujon a notamment expliqué comment les Femen, au départ animées par des personnes à l'"engagement sincère, profond et désintéressé", ont fini par être récupérées politiquement par d'autres qui "n'ont cessé d'être dans le calcul ou la récupération", jusqu'à plonger le mouvement dans un système marqué par un "ego trip malsain", le "harcèlement moral sur personnes vulnérables" et la "mise en danger d'autrui". Sacha Shevchenko et Oksana Chatchko seront selon lui purement et simplement chassées du mouvement "avec une violence inouïe".
Quand Oksana Chatchko fustigeait Inna Chevtchenko
Dès 2014, une ancienne militante des Femen, se faisant appeler "Alice" dénonçait l'"organisation dictatoriale" qui s'était installée petit à petit dans le mouvement. Loin de l'esprit très ouvert et très libre voulu par Oksana Chatchko, qui avait conceptualisé le "sextrémisme" et qui imaginait que n'importe qu'elle femme pouvait devenir Femen librement, cette dernière évoquait "des règles qui s'appliquent à certaines mais pas à d'autres". Selon elle, un "phénomène de meute" avait provoqué la "mise à l'écart" de nombreuses militantes au moindre désaccord. "Je ne suis pas un cas isolé, des filles plus fragiles ont beaucoup souffert", au sein des Femen, lâchait encore Alice, avant de conclure : "On n'applique pas à l'intérieur du mouvement les revendications pour lesquelles on se bat à l'extérieur : le respect des personnes et de la liberté d'expression".
La même année, Oksana Chatchko, qui expliquait toujours être une Femen, justifiait une scission dans le mouvement entre les "Femen France", incarnées par Inna Chevtchenko, et "Femen International" qu'elle avait rejoint. Pointant la "stupidité" des militantes d'en face, Oksana Chatchko déclarait alors tout de go : "Inna voulait des petits soldats, qui lui obéissent aveuglément et elle a eu ce qu'elle voulait". Oksana Chatchko racontait par ailleurs que quand elle a refusé d'être membre de Femen France, la serrure de la porte de sa chambre dans le QG de Clichy a été cassée, ses affaires mises dehors. "Elle a dû partir", écrivait Libération qui l'avait interrogée à l'époque.
Les Femen, un souvenir amer pour Oksana Chatchko
Et Oksana Chatchko pointait encore plus clairement la responsabilité d'Inna Chevtchenko dans les dérives du mouvement. "C'est vrai qu'elle a toujours été ambitieuse, mais on ne pensait pas que cela deviendrait comme cela. Là, on a l'impression que tout est dicté par des choix personnels, l'envie de faire carrière". La rupture sera définitive l'année suivante, en 2015. Oksana Chatchko quittera définitivement le mouvement pour revenir à son activité d'artiste peintre. Elle n'avait plus fait parler d'elle, en dehors de quelques expositions dans la capitale, jusqu'à aujourd'hui.
Dans un article du Parisien publié ce mardi, on apprend qu'Oksana Chatchko gardait un souvenir amer de son arrivée en France et des tensions qui sont immédiatement apparues chez les Femen. "Je resterai toujours une Femen, mais ce mouvement est mort car la société l'a tué", lâchait-elle au quotidien en 2016, ajoutant : "Au bout de 6 ans, les mouvements de rébellion finissent par s'essouffler". Par ailleurs, Le Parisien indique que la jeune femme vivait mal l'éloignement de l'Ukraine, de sa mère et de sa famille.