16 médicaments inutiles contre les rhumes (et souvent dangereux)
Quasi systématique, le réflexe "médicaments anti-coup de froid passager" peut faire plus de mal que de bien. D'après plusieurs études récentes, l'utilisation de nombreux médicaments en vente libre se révèle inutile, avec des effets indésirables non moins importants. Parmi ces études, parfois controversées, un "Guide des 4 000 médicament utiles, inutiles ou dangereux", par les Professeurs Philippe Even et Bernard Debré (Editions Cherche Midi) est sorti à la rentrée. Plus récemment, le chef de service à la pharmacie de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, le Pr Alain Astier a été mis à contribution par l'UFC-Que Choisir dans une enquête d'envergure publiée ce mois de janvier. L'étude porte sur l'efficacité et les effets indésirables de 41 produits en vente libre, sans ordonnance, en pharmacie pour traiter les maux de l'hiver (rhume, état grippal, toux, mal de gorge). Quels sont les principaux médicaments pointés ? Découvrez notre dossier :
Les décongestionnants du nez pointés
Les décongestionnants du nez, couramment vendus sans ordonnance, sont particulièrement pointés : "Il vaut mieux les éviter, sauf à souffrir d'une obstruction nasale empêchant de dormir, auquel cas il ne faut pas les utiliser plus de cinq jours au maximum", alerte à ce sujet le Dr Maurice Rotenberg, ORL à Paris. Le principe actif essentiellement contenu dans ces produits, la pseudoéphédrine, contracte en effet non seulement les vaisseaux sanguins de notre nez, mais aussi ceux du corps tout entier. Une augmentation de la tension peut se produire, et dans des cas rares mais répertoriés, causer AVC ou infarctus... alors même que son efficacité de médicament n'est pas toujours au rendez-vous.
Effets indésirables et contre-indications inquiétants
S'il reconnaît que le développement de l'automédication n'a pas que de mauvais côtés, le Pr Astier* fait toutefois un constat alarmant : celui d'un contexte jugé "peu transparent", dans lequel les pharmaciens ne posent pas toujours les bonnes questions ou omettent parfois de mettre en garde les consommateurs pour ce qui est des effets indésirables ou contre-indications. "La question est de savoir quel est le niveau de connaissance des patients, et quelle information on leur donne." souligne-t-il. Une part importante des "dispositifs médicaux" présentés en pharmacie, marqués d'un "CE", n'ont pas eu besoin d'autorisation de mise sur le marché "AMM" pour se retrouver à la vente. Et diffèrent donc des "médicaments", tout en bénéficiant d'une même visibilité. Vient s'ajouter le concept des "gammes ombrelles", des produits désignés par un même nom de marque (gamme Humex du laboratoire Urgo, gamme "Doli's" de Sanofi) mais à la composition en réalité très différente. Certains de ces produits ne sont même pas des médicaments, plutôt des "dispositifs médicaux", qui n'ont pas eu besoin d'essais cliniques pour être commercialisés.
Résultat : des milliers de Français consomment des produits médicamenteux sans ordonnance combinant des principes actifs dans un cocktail peu lisible ou aux effets secondaires potentiels surpassant le service thérapeutique rendu, avec des interactions et des contre-indications mal mises en avant. C'est ce que traduisent entre autres les résultats de l'enquête de l'UFC-Que Choisir, mais aussi une étude de 60 Millions de consommateurs, en 2015 ou encore les conclusions des deux professeurs de médecine auteurs du "Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux".
Concernant les maux de l'hiver, sont à craindre, suivant les produits, des états d'intense somnolence qui se prolongent au-delà de la prise du médicament ; la formation d'un bouchon muqueux obstruant les voies respiratoires ; constipation, nausées ou difficulté à uriner ; une accoutumance ; des convulsions ; des saignements digestifs ou encore des réactions allergiques... (Voir notre dossier). Pour ne citer qu'un exemple, l'UFC-Que Choisir pointe un risque "rare mais grave" d'effet indésirable pour les bien connues pastilles de lysopaïne aux airs de bonbons et au service médical rendu "insuffisant" selon la Haute Autorité de santé. Lesquels ? Des "réactions d'hypersensibilité pouvant se traduire par une fièvre élevée, des anomalies sanguines, la défaillance d'un organe vital et/ou une éruption cutanée dont celle du syndrome de Stevens Johnson). Des cas malheureusement rapportés, précise là encore L'Union Fédérale des consommateurs. Par ailleurs, de fortes contre-indications concernent également ces produits en apparence anodin, en fonction de l'âge, du type de toux, du fait de souffrir par ailleurs de l'asthme, d'un glaucome... Ils sont également loin d'être compatibles avec tous les médicaments.
Que répond l'industrie pharmaceutique ? Face à l'ouvrage** des docteurs Even et Debré, par exemple, le Leem, l'organisation professionnelle des entreprises du médicament, dénonçait déjà en 2012 un "énième réquisitoire" en les accusant de miser "de manière opportuniste sur la vague de défiance qui a touché, dans le sillage de l'affaire Mediator, le système de santé" et les jugeant coupables d'"amalgames" et d'"approximations". Depuis, d'autres études ont suivi, allant dans le sens de l'inutilité de la dangerosité et/ou de l'inefficacité de certains médicaments en vente libre, dont les enquêtes que nous relayons dans ce dossier.
*Le Pr Alain Astier a déclaré auprès de l'UFC-Que Choisir ne posséder aucun lien ou conflit d'intérêts concernant les spécialités contre le rhume testées dans le cadre de l'étude.
**Guide des 4 000 médicament utiles, inutiles ou dangereux", Pr Philippe Even et Pr Bernard Debré, Editions Cherche Midi, 906 pages.
Automédication, mode d'emploi
Voici quelques commandements de bon sens à respecter concernant l'automédication, selon l'UFC-Que Choisir :
> Ne dépassez pas 4 g/jour de paracétamol (dose maximale pour les adultes), donc évitez de prendre plusieurs médicaments en contenant. Sinon le paracétamol peut devenir toxique pour le foie.
> Opter pour des médicaments avec un seul principe actif. Les associations de divers principes actifs dans un même médicament rendent plus floue sa composition, exposant à un surdosage avec d'autres médicaments. Elles peuvent aussi maximiser les effets indésirables. Par exemple, privilégiez plutôt du paracétamol seul pour lutter efficacement contre la fièvre et la douleur, et associez-le à une bonne hydratation.
> Si vous êtes déjà sous traitement pour une pathologie chronique (hypertension artérielle, diabète, asthme...) ou un cancer, informez-en votre pharmacien. Ainsi il pourra vous fournir des informations peut-être indispensables. "Qui sait que le millepertuis, vendu comme complément alimentaire, amoindrit les effets de certains traitements du cancer ? Qui sait que les anti-inflammatoires type ibuprofène augmentent la concentration sanguine des anticoagulants ?", alerte l'UFC-Que Choisir sur ce point.
Demander l'avis de votre médecin reste la meilleure solution : il vous en dira plus sur la compatibilité de tel ou tel produit d'automédication avec vos médicaments prescrits et vos antécédents.
> Ne vous auto-médiquez pas avec des médicaments provenant d'une prescription ultérieure et qui traînent dans votre armoire à pharmacie.
> Pour le mal de tête ou contre la douleur et la fièvre modérée, le paracétamol reste conseillé.
> Côté nez bouché, le lavage du nez semble être l'un des seuls gestes d'auto-médication pertinent pour les maux de l'hiver. Les trois seuls produits au total sur 41 estimés "utiles et pas dangereux" à l'issue des tests de l'UFC-Que Choisir sont justement des solutions salines : "Physiodose sérum physiologique" en dosettes, "Physiomer", et "Stérimar eau de mer au chlorure de sodium 9 g/l" en spray. Elles sont à choisir dans leur version simple sans menthol.
> Si vos yeux vous démangent et que vous éternuez beaucoup, vous êtes peut-être allergique. Aller voir un allergologue ou un ORL est alors nécessaire.
> Si les symptômes persistent plus d'une semaine ou que votre fièvre reste supérieure à 38,5 °C pendant plus de 48 heures, consultez un médecin. Concernant l'état grippal, appelez directement le 15 si vous constatez une forte fièvre, une raideur de la nuque, une diminution de la force musculaire, des vomissements, des troubles de l'élocution ou de la marche.