BarakaCity : Idriss Sihamedi, le président d'une ONG controversée

BarakaCity : Idriss Sihamedi, le président d'une ONG controversée Invité avec Najat Vallaud-Belkacem dimanche sur le plateau du Supplément, Idriss Sihamedi, président de l'association BarakaCity, est loin d'être passé inaperçu. Ses propos ont provoqué le malaise.

[Mis à jour le 25 janvier 2016 à 22h29] Dimanche 24 janvier, un malaise s'est installé sur le plateau du Supplément de Canal++. En cause ? L'intervention très embarrassante d'Idriss Sihamedi. Le président de l'ONG BarakaCity réagissait après la diffusion d'un reportage sur Moussa, un humanitaire de l'association incarcéré au Bangladesh alors qu'il était parti défendre les Rohingya, minorité musulmane persécutée. Après avoir évoqué cette affaire, le présentateur Ali Baddou lui pose des questions sur les positions parfois ambiguës de son association. Et c'est sur la condamnation de Daesh que celui qui se présente comme un "musulman normal", "orthodoxe" à la limite, s'engage sur une pente glissante.

"Ce n'est pas qu'on ne condamne pas l'Etat islamique, c'est qu'on essaye d'avoir une certaine pédagogie pour essayer de discuter avec les jeunes", explique-t-il. Pressé par les journalistes en plateau de clarifier sa pensée, Idriss Sihamedi tourne autour du pot : "Ce n'est pas juste de poser la question à un musulman comme moi parce que je suis musulman". Puis finalement, il finira par affirmer que "BarakaCity condamne toutes les exactions commises par des groupes armés, des gouvernements, des juntes etc. (…) S'ils tuent, s'ils brûlent des gens dans des cages etc., je ne vais pas vous dire oui, s'ils tirent sur des femmes enceintes, je ne vais pas vous dire 'non je ne condamne pas', donc je pense que oui…".

"On est un peu gênés par la réponse", dit immédiatement Ali Baddou. Najat Vallaud Belkacem, la ministre de l'Education nationale, également invitée de l'émission, ne sait pas comment réagir. "Je crois que c'est une association qui porte une façon de voir les choses qui n'est pas la mienne, à laquelle je ne souscris pas et qui me met aussi mal à l'aise, honnêtement, sur votre plateau, et donc je n'ajouterai rien", finit-elle par dire.

EN VIDEO - La réaction de Najat Vallaud-Belkacem au Supplément (l'intégralité de la séquence à voir sur le site de l'émission) :

"Le Supplément : Najat Vallaud-Belkacem gênée par les propos d'un musulman sur Daesh, gros..."

Najat Vallaud-Belkacem réagit sur Facebook 

Si elle avait peu de mots pour commenter en plateau les propos d'Idriss Sihamedi, la ministre de l'Education a tenu a réagir plus longuement ce lundi sur Facebook. Najat Vallaud-Belkacem tient ainsi à revenir sur une "intervention inacceptable" et tient à "ne laisser subsister aucune ambiguïté". Elle écrit : "au-delà de la sidération provoquée par le refus inadmissible, et inédit à ma connaissance dans ce type d'émission, de condamner clairement Daesh, les propos de cet individu mettent en cause les principes fondamentaux de notre République, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est la raison pour laquelle j'ai non seulement exprimé mon profond désaccord, mais aussi refusé d'engager un débat avec un individu qui se situe en dehors du champ républicain". La ministre oppose les propos d'Idriss Sihamedi à son action pour les valeurs républicaines à l'école : "j'ai engagé une mobilisation inédite de l'école pour transmettre et faire vivre les valeurs de la République, avec une exigence : ne laisser prospérer aucune atteinte à ces valeurs". Elle conclut son post en dénonçant "les propos scandaleux tenus dans cette émission (qui) rappellent l'exigence de toujours opposer la pensée à la barbarie, sans jamais la rabaisser à la polémique". 

BarakaCity, une ONG qui veut mettre "l'Islam au service de l'humanitaire"

BarakaCity a été fondée officiellement en 2010 par Idriss Sihamedi, un jeune homme sans diplôme qui s'est lancé dans la communication. Cette ONG française se présente comme musulmane ou islamique et veut mettre "l'Islam au service de l'humanitaire". Sur son site, on y apprend ses deux principaux objectifs : "répondre aux besoins vitaux des populations en état de vulnérabilité" et "favoriser l'autonomie des populations dans les zones stabilisées". Sa première action d'envergure a consisté à récolter en 2012 de l'argent pour construire des puits au Togo, un million d'euros en une semaine. En trois ans, BarackaCity aurait réussi à récolter 16 millions d'euros. De l'argent qui serait principalement utilisé pour des projets en Afrique, en Syrie et en Palestine, à en croire les données publiées sur leur site. Mais d'où viennent tous ces dons ? "Des particuliers et des footballeurs", répond Idriss Sihamedi sur Canal+. Le Parisien parle aussi de rappeurs comme La Fouine et Rohff.

Dans les médias, BarackaCity traîne une image sulfureuse. Idriss Sihamedi est souvent présenté comme un "salafiste". On souligne régulièrement qu'il ne sert pas la main aux femmes et que le personnel féminin de l'association n'est pas présent sur le site de l'association, leur photo étant remplacée par un carré gris. "Toutes les femmes de notre équipe portent le voile. Je ne me vois pas m'exposer comme ça", expliquait il y a quelques mois Sajida Iamou, chargée de communication, au Parisien. Il serait proche, selon Street Press, du conférencier Nabil Ennasri, personnalité aussi ambiguë pour ses liens avec le Qatar. Sur Twitter, Idriss Sihamedi ne fait pas que relayer les actions de BarackaCity mais dénonce aussi "la fornication". Suite à son intervention sur Canal+, il est accusé par Claude Askolovitch de mettre Daesh et Israël sur le même plan, une position qu'il a revendiquée sur le réseau social.

Idriss Sihamedi l'avoue lui-même sur le plateau du Supplément, il "pense" faire l'objet d'une fiche S et est "sûrement" surveillé par les services de renseignement. Depuis quelques années, BarackaCity, installée à Courcouronnes, en région parisienne, a fait l'objet de plusieurs perquisitions mais aucune procédure judiciaire n'a été entamée à son encontre.

La réponse de BarakaCity après l'émission de Canal+

"Aujourd'hui, on attaque Idriss parce qu'il a une grosse barbe et qu'il est décomplexé par rapport  à sa religion, et on mélange tout : terrorisme, barbe, musulman… Ça doit pas exister un barbu qui fait de l'humanitaire car ça ne colle pas, et ça, c'est dommage", dénonce Rahim Leboukh, assistant réalisateur de l'association, dans le reportage diffusé sur Canal+. Suite à l'enregistrement puis la diffusion de l'émission, Idriss Sihamedi a vivement réagi sur les réseaux sociaux déplorant que son association soit "instrumentalisée dans un vicieux montage". Dans un post Facebook, BarakaCity explique son ambiguité sur Daesh par le risque encouru à afficher publiquement son opposition au groupe terroriste. "Il est suicidaire que de se déclarer comme un opposant puissant et ce de manière frontale lorsque nous risquons d'être ciblés par ceux que nous condamons... En France ou en Syrie", affirme l'association. Idriss Sihamedi a en tout cas promis de répondre aux journalistes du Supplément dans une vidéo diffusée sur le web, un "terrain libre et populaire". BarakaCity peut se targuer d'avoir plus de 650 000 personnes abonnées à sa page Facebook.