Médine : les paroles de "Don't Laïk", ou le rap contre la République ?
De la difficulté d'enseigner la laïcité et les valeurs de la République à l'école. Alors qu'un grand plan sur l'éducation vient d'être annoncé par Najat Vallaud-Belkacem, le morceau d'un rappeur, sorti en janvier 2015 avant les attentats contre Charlie Hebdo, fait polémique. Le clip "Don't Laïk", du slameur Médine, a déjà séduit plus de 800 000 visionneurs sur YouTube quand le rappeur lui-même recueille plus de 500 000 fans sur sa page Facebook. La preuve, sans doute, d'une certaine curiosité, mais surtout d'un véritable succès chez les jeunes visés précisément par le plan de la ministre.
Le message que veut faire passer Médine (du nom de la ville arabe où séjourna et mourut Mahomet) reste difficile à déterminer au premier abord, mais certaines formules choquent. Manifestement critique envers la laïcité, le rappeur scande dès le premier couplet "nous sommes les gens du livre", mais aussi "crucifions les laïcards comme à Golgotha" ou encore "le polygame vaut bien mieux que l'ami Strauss-Kahn". Suit : "si j'te flingue dans mes rêves j'te demande pardon en me réveillant / En me référant toujours dans le Saint-Coran". Et encore : "Pas de signe ostentatoire, pas même la croix de Jésus / J'suis une Djellaba à la journée de la jupe / Islamo-caillera, c'est ma prière de rue".
Attaques contre la République, Marianne...
Pointant ceux (les dirigeants ? les journalistes ?) qui "n'ont ni Dieu ni maître à part Maître Kanter", Médine affirme ensuite qu'il "scie l'arbre de leur laïcité avant qu'on le mette en terre". "Marianne est une Femen tatouée 'Fuck God' sur les mamelles", crie-t-il encore. Faisant plus loin référence à l'affaire de la crèche Baby loup, il dit enfin se suffire "d'Allah" ("pas besoin qu'on me laïcise") et critique pêle-mêle Eve Angeli, "les anges de la TV Reality" Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen ou encore "Madame Fourest"... Le refrain, évidemment, est à l'avenant : "Ta barbe, rebeu, dans ce pays c'est Don't Laïk / Ton voile, ma sœur, dans ce pays c'est Don't Laïk / Ta foi, négga, dans ce pays c'est Don't Laïk / Madame monsieur, votre couple est Don't Laïk".
Critique d'une dérive de la laïcité et pas de la laïcité en elle-même ?
Confus pendant plus de 2 minutes, le discours de Médine sera peut-être mieux compris à la fin de ce titre ambigu. "Religion pour les francs-maçons, catéchisme pour les athées / Laïcité n'est plus qu'une ombre entre l'éclairée et l'illuminée / Nous sommes épouvantail de la République / Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs", semble en effet dénoncer d'éventuelles dérives d'une laïcité qui serait poussée à l'extrême. Un message que Médine a confirmé via un commentaire sous son clip : "Ici, il est important de distinguer Laïcisme de Laïcité", indique-t-il ajoutant que "le Laïcisme est une version dévoyée de la laïcité". Axant sa critique contre la stigmatisation du religieux, le rappeur estime être légitime et nie vouloir attaquer une quelconque confession ou non-confession. Il rappelle que la laïcité "semble être l'une des solutions au bien vivre ensemble quand elle est appliquée rigoureusement" et est finalement "secourue dans ce morceau".
A une télévision hollandaise qui l'a interviewé, le rappeur a encore précisé son propos. Il pointe une "liberté d'expression à géométrie variable", favorable à Charlie Hebdo mais pas aux musulmans. Mais il reste sur la ligne de crête entre "ne pas être Charlie" et se réclamer de la même tendance au ton satirique et irrévérencieux que les journalistes de l'hebdomadaire. Une explication et une justification habiles que ne saisiront sans doute pas, cependant, tous ses auditeurs.
Vignette : Capture http://www.facebook.com/MEDINRECORDS