L'article 49.3 finalement réclamé par le PS pour le budget ? Pourquoi cela est possible
Le gouvernement de Sébastien Lecornu doit son maintien à deux promesses faites par le Premier ministre au Parti socialiste : celle de renoncer au 49.3 pour l'adoption du budget 2026 et celle de suspendre la réforme des retraites. De petites victoires du parti à la rose qui risquent finalement de le mettre en l'embarras. Alors qu'il s'est positionné dans la logique de doter la France d'un budget, le PS n'a, mathématiquement, plus que deux options pour tenir sa parole, et aucune des deux n'est idéale.
L'adoption du budget passe par deux étapes : le vote du projet de loi finances (PLF) qui prévoit les mesures fiscales et le prélèvement des impôts et celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui s'attarde sur les allocations et par lequel doit passer la suspension de la réforme des retraites. Ces textes doivent tous les deux êtres votés par les deux chambres du Parlement à la majorité simple. Mais en l'état, il n'existe qu'un seul cas de figure dans lequel les textes peuvent être adoptés : un vote favorable et unanime allant du PS à LR en passant par l'ensemble du bloc central (Renaissance, MoDem, Horizons et Liot) pour un total de 303 voix.
Problème, les textes de budget 2026 sont loin de faire l'unanimité chez ces familles politiques. Les forces de la coalition présidentielle devraient, sauf surprise, voter les textes, mais la droite a jugé le budget "invotable" à plusieurs reprises et semble plus encline à s'abstenir ou à rejeter le texte. Quant au PS, il assume de prendre part aux négociations, mais refuse catégoriquement de voter le budget et prévoit au mieux de s'abstenir. En résumé, le budget peut avoir 234 voix favorables au maximum avec le soutien de la droite, et 184 en cas d'abstention des élus LR. En face, l'opposition peut réunir jusqu'à 265 voix si le RN et ses alliés de l'UDR, mais aussi LFI, EELV et le PCF rejettent le texte.
Une adoption du budget 2026 par le vote des députés n'est donc possible qu'à plusieurs conditions : que le PS revoit sa position et vote le texte aux côtés de la coalition présidentielle et de la droite ou d'au moins 13 élus de la droite si cette dernière décide de s'abstenir. Ou alors que l'ancien "socle commun" unissant le bloc central et la droite soit unanime et qu'au moins une trentaine d'élus d'extrême droit ou de gauche s'abstiennent avec le PS. Deux hypothèses hautement improbables. D'une part le PS refuse de cautionner un budget qu'elle juge encore trop austère malgré des avancées, d'autre part les oppositions rejettent fermement le texte et le gouvernement ou cherchent à obtenir une dissolution et souhaitent donc l'échec de l'examen du budget.
Le 49.3, dernière solution pour le PS
Ne reste alors qu'une seule solution : le recours au 49.3. L'outil parlementaire que le PS a voulu définitivement écarter apparaît comme la seule issue. L'activation du 49.3 a pour effet de déplacer le sujet des débats et de modifier la logique du scrutin. L'article de la Constitution permet au gouvernement de forcer l'adoption d'un texte à condition de résister à une censure, laquelle ne peut avoir lieu que si elle obtient une majorité absolue de voix à l'Assemblée nationale, soit 289 votes.
Une motion de censure déposée en réaction à l'usage du 49.3 ne serait pas soutenue par les 162 élus de la coalition présidentielle. Ces forces, mêmes si elles commencent à prendre leurs distances, ont montré leur volonté d'éviter une dissolution, issue qui deviendrait inévitable en cas de censure. Pour la même raison et la recherche de stabilité, les 22 élus Liot ne devraient pas voter une censure non plus. Il ne manquerait alors que le soutien de LR et du PS pour attendre la majorité absolue, éviter une censure et forcer l'adoption du budget 2026. Le PS pourrait faire valoir les avancées notamment sur la suspension des retraites pour s'opposer à la censure, sans pour autant voter le budget.
Reste alors une interrogation concernant la droite. Le parti LR a pris ses distances du gouvernement et refuse de soutenir le budget, mais il a refusé de censure le gouvernement Lecornu II après sa nomination plaidant pour l'adoption d'un budget. Le parti pourrait donc difficilement défendre un changement de position. De plus, il ne semble pas non plus souhaiter une dissolution qui pourrait lui être défavorable.