Darmanin dans Paris Match : ses enfants très exposés, est-ce légal ?

Darmanin dans Paris Match : ses enfants très exposés, est-ce légal ? Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a posé dans Paris Match en compagnie de son épouse et de ses deux fils. Des clichés qui posent question quant au respect du droit à l'image des mineurs.

Cette semaine, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin fait la couverture de Paris Match, aux côtés de son épouse, Rose-Marie Devillers et de ses deux fils, Max-Emilien et Alec, nés en 2021 et 2022. Décontracté, sans cravate, le premier flic de France confie que "sa famille lui permet de relativiser les difficultés politiques", photographié avec l'un de ses fils sur ses genoux. Il s'est notamment confié sur la loi immigration, ses ambitions politiques en vue de 2027 et bien entendu, sa vie de famille. Une opération loin d'être anodine, alors que ce dernier ne bénéficie pas d'une cote de popularité grandissante, loin de là.

Les précédents Sarkozy et Kennedy

La dernière enquête Ifop diffusée le mardi 20 février 2024 octroie seulement 39 % d'opinion favorable au locataire de la place Beauvau. Loin derrière le Premier ministre Gabriel Attal, crédité de 53 % d'opinion favorable malgré la crise des agriculteurs qui agite le gouvernement depuis plusieurs semaines maintenant. Toutefois, cette opération de communication de Gérald Darmanin en compagnie de sa famille n'est pas sans rappeler celle de son prédécesseur.

En effet, Nicolas Sarkozy s'était affiché avec sa compagne de l'époque, Cécilia, et de son plus jeune fils, Louis, en 2002. L'ex-chef de l'Etat reprenait déjà les codes d'une célèbre photo de John Fitzgerald Kennedy et de son fils, JFK Jr, dans le bureau ovale en 1963. Si Gérald Darmanin souhaite présenter l'image d'un ministre impassible et d'une famille soudée malgré les turbulences voulues par les dernières séquences politiques et notamment l'adoption houleuse de la loi immigration, les photos parues dans le célèbre hebdomadaire peuvent poser question vis-à-vis du respect du droit à l'image des enfants.

Le degré de maturité de l'enfant entre en jeu

La loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants repose sur l'article 372-1. "Les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée". De plus, "Les parents associent l'enfant à l'exercice de son droit à l'image selon son âge et son degré de maturité". Les enfants du ministre de l'Intérieur ont actuellement 2 et 3 ans, difficile alors de juger de leur faculté à appréhender leur degré de maturité face à la diffusion de ces clichés dans l'intimité de la famille. 

Les enfants de Gérald Darmanin, et notamment celui dont le visage est visible sur la photo parue dans Paris Match va-t-il être très exposé dans les prochaines années de sa vie, voire dans les prochaines semaines ? Manifestement, oui. La fonction de ministre de l'Intérieur occupée par Gérald Darmanin et les responsabilités inhérentes à un tel poste font de lui une personnalité politique de premier plan en France. De plus, sa popularité en berne permet également de se poser des questions sur la portée de ces photos, alors que la viralité de l'information n'a jamais été aussi forte avec l'essor continu des réseaux sociaux. 

"À la tentation de viralité, il faut privilégier l'impératif de l'intimité"

En 2023, le député à l'origine de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, Bruno Studer, indiquait bien dans l'exposé des motifs qu'il incombait aux parents de "protéger l'enfant dans l'exercice de son droit à l'image. C'est à rappeler cette évidence qu'entend participer la présente proposition de loi, autour d'un principe simple : à la tentation de la viralité, il faut privilégier l'impératif de l'intimité. Dans une société de plus en plus numérisée, le respect de la vie privée des enfants s'impose aujourd'hui comme une condition de leur sécurité, de leur bien‑être et de leur épanouissement". Une déclaration qui fait grandement écho au choix de Gérald Darmanin et de son épouse de diffuser de telles images.

L'autorisation des deux parents est obligatoire

Alors que le visage de l'un de ses fils a désormais été dévoilé, impossible de mettre de côté d'éventuelles pressions de la part de personnalités sur l'Etat et sur les services de police. Si les photos parues dans Paris Match ne portent en aucun cas atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de l'enfant, comme cela est strictement interdit dans l'article 377 du code civil, et qui entrainerait la "saisie d'un juge aux fins de se faire déléguer l'exercice du droit à l'image de l'enfant", cette décision d'exposer des enfants en bas âge reste également suspendue à la parfaite entente des parents sur le sujet. 

En effet, l'article 372-2-6 du code civil comprend l'alinéa suivant : "Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l'exercice du droit à l'image de l'enfant, interdire à l'un des parents de diffuser tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent". Autrement dit, si Rose-Marie Devillers venait à s'opposer à la publication des photos, elle pourrait envisager une action en justice contre Gérald Darmanin. Alors, si l'exposition de ses enfants reste légale en l'état, le ministre de l'Intérieur semble flirter avec la ligne rouge concernant l'exercice de leurs droits.