Plan Ecophyto en pause : les agriculteurs satisfaits, les écologistes montent au créneau
Le plan Ecophyto, qui consiste à réduire l'usage des pesticides, a été mis en pause suite à une décision du gouvernement. Si cela faisait partie des demandes des agriculteurs, les écologistes ainsi que les ONG sont en colère.
Ce jeudi 1er février, le gouvernement a fait de nouvelles annonces, la troisième série de mesures en une semaine à peine, en réponse aux manifestations des agriculteurs. Parmi elles, la mise en pause du plan Ecophyto, dont le but est de réduire l'usage des pesticides. Un choix qui répond aux attentes des agriculteurs, mais qui indigne les écologistes.
Dès 2008, le syndicat agricole FNSEA a montré son opposition à ce plan, estimant notamment que les alternatives seraient insuffisantes pour assurer les rendements des agriculteurs à moindre coût. Le plan avait notamment été rejeté par les producteurs de grandes cultures telles les céréales, le sucre... Ils estimaient que ces contraintes les empêcheraient notamment d'être concurrentiels face à des pays où la législation est moins stricte.
Le plan Ecophyto, qu'est-ce que c'est ?
Le plan Ecophyto avait été lancé dans une première version en 2008. Son objectif : réduire de 50% l'utilisation des pesticides dans un délai de 10 ans. L'Etat s'est alors penché sur la recherche de méthodes alternatives. Néanmoins, en 2018, cet objectif était loin d'être atteint et l'échéance a dû être repoussée à 2025.
En 2023, Elisabeth Borne, alors Première ministre, avait annoncé un nouveau report avec le plan "Ecophyto 2030". Dans celui-ci devait se trouver la proposition de solutions alternatives pour 75 molécules qui risqueraient d'être retirées du marché dans les années à venir. Ce projet devait aussi contenir des outils pour accompagner les professionnels dans cette utilisation d'alternatives aux pesticides, notamment au travers de formations ainsi que grâce à un réseau de fermes pilotes.
Soulagement chez les agriculteurs
Depuis le début de la mobilisation de ce mois de janvier, la FNSEA a remis le sujet sur la table, demandant expressément l'arrêt de ce plan dans les premières mesures à mettre en place. Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, a ainsi annoncé une pause de ce programme, "le temps d'en retravailler un certains nombre d'aspects" .
Cette annonce est plutôt bien reçue du côté des agriculteurs, même s'ils restent prudents face à ce qui pourrait être proposé en contrepartie. Quentin Descombes, propriétaire d'une production maraichère, interrogé par Europe 1, a exprimé sa satisfaction après cette décision, citant "des cultures comme les haricots verts, endives, épinards qui sont soumis à un retrait des matières actives, alors qu'à 200 mètres, on a la Belgique qui en a le droit".
"Ce moratoire nous permettra sûrement de nous donner la vision. Mais on veut des cas concrets et rapidement", ajoute l'agriculteur. Même soulagement pour une productrice de salade interrogée au 20h de France 2 puisqu'elle utilise un herbicide pour sa production et redoutait qu'il soit interdit dans l'année.
Les écologistes indignés
Si une partie des agriculteurs semble favorable à cette pause, ceux qui cultivent bio ne sont pas du même avis. Du côté des écologistes et des ONG, même son de cloche. WWF a notamment qualifié cette annonce de "signal désastreux" en pleine période de destruction de la biodiversité. De son côté, Générations futures a pointé du doigt un "recul majeur qui nous ramène 15 ans en arrière" sur X.
Marine Tondelier, Secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts, a aussi réagi en déplorant que le gouvernement ne s'attaque pas "aux véritables problèmes".
Alors oui gouvernement peut décider de ne plus protéger l'eau, la terre, la biodiversité et même notre santé.
— Marine Tondelier (@marinetondelier) February 1, 2024
Mais avec ça nos agriculteurs ne gagneront pas plus (leur principale revendication).
En vrai, à la fin, tout le monde sera perdant.#AgriculteursEnColere
Une partie de la gauche se place aussi de ce point de vue. "C'est la folie totale sur le plan écologique" , a dénoncé Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, sur le plateau de FranceInfo. Les opposants craignent aussi pour la santé des agriculteurs, les pesticides pouvant provoquer de graves pathologies.
Une décision vraiment légale ?
Le gouvernement peut-il vraiment mettre en pause le plan Ecophyto ? Cette mesure pose question d'un point de vue légal. En effet, la France a déjà été rappelée à l'ordre pour non-respect de ses objectifs sur les plans Ecophyto précédents. En juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a même enjoint le gouvernement à respecter ses trajectoires de baisse de l'utilisation de pesticides d'ici juin 2024. Il parait ainsi compliqué de mettre en place "une pause" à quelques mois de l'échéance.
Selon Dorian Guinard, enseignant-chercheur, qui s'est exprimé sur X, "mettre en pause une décision de justice n'est pas possible". Une loi serait ainsi nécessaire pour modifier cette contrainte. Bernard Jommier, sénateur socialiste, a aussi tenu à rappeler que "la protection de la biodiversité est inscrite dans la charte de l'environnement qui a valeur constitutionnelle" comme l'a rapporté Public Sénat.