Cédric Villani, candidat Nupes : "C'est sous la contrainte politique que LREM est prête à avancer pour l'écologie"

Cédric Villani, candidat Nupes : "C'est sous la contrainte politique que LREM est prête à avancer pour l'écologie" CÉDRIC VILLANI. Le député écologiste, anciennement membre de LREM, Cédric Villani, brigue un second mandat dans l'Essonne aux élections législatives pour défendre la bannière de la Nupes et ses valeurs écolos, sociales et pro-européennes.

Député issu de la société civile élu en 2017, Cédric Villani se représente aux élections législatives dans la 5ème circonscription de l'Essonne, cinq ans plus tard, en connaissant les rouages de jeu parlementaire et en espérant y prendre part pour le quinquennat à venir. Mais entre temps, le député a eu le temps de changer de famille politique, passant en 2020 du groupe de la majorité présidentielle à celui de l'opposition, et de l'étiquette LREM et celle de Génération Ecologie. Mais c'est sous la bannière de la Nupes que le mathématicien défend son siège à l'Assemblée nationale.

Résolument écologiste et pro-européen, Cédric Villani explique comment il entend défendre ses positions qu'elles soient communes ou contraires à celles des autres partis membres de la coalition de gauche et revient sur son rapport à la majorité présidentielle qu'il a côtoyé de près, dans une interview pour Linternaute. L'élu y détaille es projets pour les cinq ans à venir à l'échelle nationale et celle de sa circonscription.

Linternaute.com - Vous vous représentez dans la 5eme circonscription de l'Essonne, sous une nouvelle étiquette, celle de la Nupes. En conséquence, vos motivations et vos projets ont eux aussi évolué ?

Cédric Villani - Ma transition politique date de plusieurs années puisque c'est à la mi-mandat que j'ai quitté le groupe de La République en marche lors de la création du groupe "Ecologie, démocratie, solidarité" dans lequel nous étions 16 ex-LREM et une ex-socialiste, Delphine Batho. Je me suis ensuite rapproché de Génération Ecologie et suis depuis impliqué dans le parti puisque j'étais le porte-parole de Delphine Batho lors de la primaire écologique, puis dans l'équipe de campagne de Yannick Jadot pendant la campagne présidentielle. En 2022, le ralliement à la Nupes était naturel. J'ai d'abord été investi comme candidat par Génération Ecologie puis par la pôle écologiste et par la Nupes.

A la différence des dernières législatives, vous êtes un candidat résolument écologiste. Ainsi, vos projets seront-ils plus tournés vers l'écologie qu'en 2017 lorsque vous étiez "marcheur" ?

En 2017, j'ai rejoint LREM pour l'aspect pro-européen du programme ou pour défendre l'insertion des membres de la société civile en politique. Aujourd'hui, sans rien lâcher du côté européen, dans lequel je me retrouve de toute façon en tant qu'écologiste – les écologistes sont les plus européens du paysage politique - j'ai effectivement renforcé les priorités écologiques dans le programme. Pour citer le dossier qui a fait couler le plus d'encre concernant les aménagements de la circonscription, à savoir le déploiement de la ligne 18 du Grand Paris Express, j'ai résolument pris parti contre son extension à l'ouest de Saclay sur les terres agricoles et je suis le seul des candidats à être sur cette position, motivée par la préservation des terres agricoles.

Vous vous décrivez écologiste mais aussi pro-européen. Toutefois, la coalition de la gauche a connu des points de friction de l'Europe et le programme de la Nupes prévoit de désobéir aux règles européennes. Comment peut-on être pro-européen en défendant la désobéissance ?

"L'Europe actuelle ne convient pas au déploiement d'un projet écologique à l'échelle européenne."

C'est un sujet majeur et cette question, nombreux sont les électeurs qui me la posent. Il faut dire que la question de la vision internationale concentre les divergences les plus fortes au sein de l'alliance de la Nupes et c'est précisé noir sur blanc dans le programme. Ce point de divergence n'est pas mis sous le tapis mais explicité et il est prévu que, sur ce sujet, il y ait une liberté de vote. La Nupes couvre un ensemble cohérent de mesures mais ne donne aucune consigne quant à la vision européenne, à l'exception d'un point qui tient à cœur à tous les membre de la coalition : remettre l'Europe sur des bases solides écologiques et sociales. Tout le monde s'accorde à dire que l'Europe actuelle ne convient pas au déploiement d'un projet écologique à l'échelle européenne.

Sur la question de la désobéissance, il faut rappeler que la France a désobéi moult fois dans le passé aux directives et règles européennes. Parfois sur des questions budgétaires, parfois en bénéficiant de dérogations pour que les chasseurs français puissent tirer sur des espèces protégées, par exemple - tout le débat sur la chasse à la glue a été fait au mépris des règles européennes. Il ne s'agit pas d'une première. En revanche, cette fois, le périmètre des désobéissances est bien encadré et il concerne uniquement les sujets écologiques et sociaux. Et si c'est moralement justifié pour nous, c'est parce qu'au départ, en 2005, malgré le "non" populaire au referendum sur la Constitution de l'Union européenne, le projet européen a été mis en place sur la base de principes rejetés par le peuple. Ce délit de démocratie de l'époque rend moralement acceptable la désobéissance. Ajoutons que parfois, pour faire évoluer une société, il arrive que la désobéissance soit nécessaire face à des lois injustes.

Vous vous êtes souvent défendu de n'être "ni à droite, ni à gauche, ni au centre". Pourtant, la Nupes est clairement située à gauche tandis que LREM est à l'heure actuelle apparentée au centre-droit. Comment expliquez vous votre passage de l'un à l'autre ?

Le parti Génération Ecologie ne s'est jamais défini comme de droite ou de gauche. Il est l'héritier du parti de Brice Lalonde en 1990 et défend une écologie englobante. Mais l'alliance de la Nupes est clairement à gauche. Il ne s'agit pas de trancher pour savoir si l'écologie est à gauche ou sur un autre axe, mais de rappeler que l'écologie s'allie à la gauche dans un contexte de luttes sociales et environnementales.

Savoir si l'écologie doit être placée à gauche à droite est un débat théorique quasiment philosophique. Mais quand il s'agit porter un programme, il faut reconnaître que les seuls partis ayant travaillé le sujet sont des partis qui sont à gauche. L'écologie a été dramatiquement négligée par les partis de droite, mais aussi par LREM, puisqu'à l'heure où nous parlons, il n'y a toujours pas de programme ou de ligne solide. Pendant les cinq années écoulées, nous avons assisté à une suite de grandes déclaration et de grands renoncements. Par exemple, sur la question des pesticides avec la promesse de la sortie du glyphosate qui a été abandonnée, les néonicotinoïdes d'abord abandonnés puis réintégrés dans un projet de loi très controversé ou encore la convention citoyenne pour le climat qui part avec de grands espoirs mais dont les fortes propositions climatiques ont été lessivées par le jeu gouvernemental et administratif.

"Pendant les cinq années écoulées, avec LREM, nous avons assisté à une suite de grandes déclaration et de grands renoncements."

Emmanuel Macron a pris un virage écologique pour son deuxième quinquennat avec une Première ministre responsable de la planification écologique. Croyez-vous à cette politique écologique de l'exécutif et qu'en attendez-vous ?

Premièrement, on peut s'interroger sur la sincérité du virage écologique qui est intervenu à quelques jours de l'élection présidentielle. Puis, j'ai l'impression que c'est la 4e ou 5e fois que le gouvernement annonce un vrai changement et un nouvel acte plus social et écologique mais que rien ne se passe rien. Je pense donc que la question ne pose pas. Nous avons eu les preuves tout au long du quinquennat que c'est seulement sous la contrainte politique que LREM est prête à avancer sur les questions écologiques. Le seul chemin qui vaille maintenant, c'est d'élire un maximum de députés avec des convictions écologiques, sociales et démocratiques sincères.

Si vous êtes réélu, vous siègerez dans le groupe des écologistes. Défendrez-vous toutes les propositions de la Nupes et vous opposerez-vous à celles de la majorité ? A noter que même une fois en dehors du groupe LREM à l'Assemblée, vous avez souvent été du même avis que la majorité présidentielle.

Je défendrai le programme de la Nupes sur toutes les propositions écologiques, démocratiques et sociales. Certaines ne correspondent pas exactement aux positions des écologistes comme celle concernant l'âge de la retraite, mais c'est la règle du jeu démocratique. Si on veut faire une coalition, Il faut trouver un bon compromis et je pense qu'il est sain que la coalition s'entende sur un cœur de programme commun partout où les différences sont suffisamment faibles pour trouver un compromis. Ces propositions là, je m'engage à les reprendre.

Quant aux propositions de la majorité, même depuis que je siège dans l'opposition, il m'est déjà arrivé de les voter quand j'étais d'accord avec. J'ai aussi voté contre un certain nombre de loi : celle pour la programmation de la recherche que j'ai refusé en 2ème lecture à cause d'ajouts inacceptables, celle qu'on a appelé "climat résilience" car je trouvais qu'elle n'allait pas assez loin ou celle dite "sécurité globale" car elle franchissait des lignes rouges.

En 2017, vous avez été élu avec une large avance mais sous l'étiquette LREM (47% au 1er tour et 69% au 2nd), et en avril Emmanuel Macron est arrivé en tête devant Mélenchon (11 points d'avance au 1er tour) dans votre circonscription. Pensez-vous pouvoir vous qualifiez en tant que candidat de la Nupes ?

L'objectif est d'être élu et d'avoir un siège pour le groupe écologiste. Je ne cours pas après un score élevé. L'analyse électorale montre effectivement que si j'étais resté sous l'étiquette LREM, il aurait sans doute était plus facile d'être élu mais ça n'aurait pas été en accord avec mes valeurs et mes positons politique. Je ne regrette pas le moins du monde de me retrouver sous l'étiquette Nupes même si la partie électorale est plus subtile. Je suis convaincu d'être dans le bon état d'esprit, très focalisé sur les mesures, le projet et le fait de s'adresser directement aux citoyens.

En 2017, j'étais porté par une vague irrésistible. En 2022, ce n'est pas la même situation, c'est l'occasion de parler de fond. Si je regarde les trois candidatures qui se détachent dans la circonscription, il y a moi, une candidature LR et une candidature LREM. Du côté LREM, je ne connais pas la vision défendue pour le territoire sauf sur la question du Grand Paris Express. Pour le moment, Paul Midy a peu parlé du fond des enjeux de la circonscription. Du coté LR, nous avons Michel Bournat, le maire de Gif-sur-Yvette, très implanté connu et respecté. Sa candidature porte des projets très différents des miens et nous allons nous défendre projet contre projet.

Si vous êtes élu et que la Nupes est majoritaire à l'Assemblée nationale, quelles seront les trois premières mesures à être votées ?

Je ne peux pas vous donner de réponse précise, mais à mon sens, la question du pouvoir d'achat dans un contexte difficile d'inflation, de guerre et d'incertitudes est une priorité. Cela englobe le rehaussement du Smic et la renégociation des salaires autant que le travail à accomplir pour éviter l'augmentation du prix des produits vitaux. Sur le plan écologique, les questions de la transition écologique pour l'agriculture et l'alimentation doivent aussi être prioritaires : c'est l'un des leviers majeurs de la décarbonation, de la santé et pour la défense du vivant que ce soit la biodiversité ou la condition animale. On parle d'un ensemble de mesures qui comprend la sortie de l'élevage intensif, la revalorisation du salaire des agriculteurs, le meilleur partage démocratique de la terre, la sortie des pesticides, etc. Puis, en troisième, je parlerai d'urgence démocratique. Sortir de la Vème République fait partie du programme de la Nupes et c'est une mesure dont je suis convaincu. J'ai découvert l'inadéquation de la Vème République pour traiter les problèmes actuels avec une pression phénoménale sur les épaules du président de la République. La révision des institutions doit aussi être une priorité, mais c'est un projet long à mettre en œuvre. Il faut commencer le plus tôt possible. Cela implique un passage à une proportionnelle intégrale, un découplage de la présidentielle et des législatives, une instauration de procédure de referendum citoyen etc.

"Je ne regrette pas le moins du monde de me retrouver sous l'étiquette Nupes même si la partie électorale est plus subtile."

Jean-Luc Mélenchon souhaite être nommé à Matignon si la Nupes obtient la majorité à l'Assemblée nationale. Soutenez-vous l'idée de faire du leader de LFI le nouveau Premier ministre ?

Très clairement, la question qui se pose pour la campagne législative, c'est l'élection des députés. Ensuite se posera la question du gouvernement Mais si on joue les tours dans un ordre différent de celui dans lequel ils se présentent, nous nous retrouverons dans les mêmes travers que lorsque des candidats jouent le second tour avant le premier. L'objectif de cette phase, c'est d'envoyer le maximum de députés à l'Assemblée nationale. Point.

Je tiens à faire remarquer qu'il y a un scénario dans lequel Nupes est majoritaire, un scénario dans lequel LREM est majoritaire mais aussi un scénario dans lequel personne n'est majoritaire. Ce serait peut-être le point de départ d'une coalition et de discussions démocratique inhabituelles et intéressantes.

Quelle sera votre première question à l'Assemblée ou votre première proposition de loi ?

A l'Assemblée, je me suis particulièrement exprimé sur l'enseignement des mathématiques, sur la défense des droits humaines, sur les lenteurs de l'administration pour les papiers des étrangers, lenteur absolument inadmissible. Mais je pense que ma première question portera soit sur la condition animale dans laquelle je suis extrêmement impliqué - j'étais responsable des sujets sur la condition animale dans l'équipe de Yannick Jadot. C'est un thème à la fois d'éthique, de santé, d'économie et de condition humaine. L'autre possibilité est une question sur le cas de Julian Assange parce que je suis le coordinateur du soutien parlementaire à Julian Assange à l'Assemblée nationale. Le dossier présente un volet considérable sur les droits humains, un volet politique et un volet sur la liberté d'expression, c'est donc un dossier sur lequel peuvent se retrouver toutes les familles politiques.

Si vous n'êtes pas qualifié au second tour, donnerez-vous des consignes de vote ?

Il est trop tôt pour dire quoi que ce soit sur ce sujet. Cela dépendra de la configuration. Il faudra interpréter les messages que les électeurs envoient aux différentes forces. Encore une fois, il faut respecter le calendrier.

Que souhaitez-vous défendre pour votre circonscription ?

J'évoquais plus tôt la défense des terres agricoles et de la communauté des agriculteurs du plateau de Saclay. J'ajoute à mes priorités l'enjeu social dans la partie la plus populaire de la circonscription, la ville des Ulis, dans laquelle les besoins sont considérables et concernent l'habitat indigne, le soutien à l'éducation ou encore l'accompagnement vers l'insertion.

J'aimerais aussi mettre en place une convention calquée sur le principe de la convention citoyenne pour le climat à l'échelle territoriale qui permette de dessiner ensemble un avenir pour le territoire. Pour une circonscription avec des milieux aussi variés c'est un projet qui fait sens.

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