Lits fermés à l'hôpital : les vrais chiffres du quinquennat Macron

Lits fermés à l'hôpital : les vrais chiffres du quinquennat Macron De nombreux chiffres circulent au sujet de la suppression des lits d'hôpitaux durant le quinquennat d'Emmanuel Macron. Au point qu'il est difficile de s'y retrouver entre un président sortant et ses soutiens qui défendent leur bilan et le camp de Marine Le Pen. On récapitule.

Des soignants ont signé deux tribunes, parues dans Libération et dans le JDD cette semaine, déclarant qu'ils feraient barrage à Marine Le Pen ce dimanche 24 avril, pour le 2eme tour de l'élection présidentielle, et voteraient Emmanuel Macron. Toutefois, ils évoquent dans leurs textes de nombreuses insatisfactions quant à la gestion de la crise de l'hôpital public par le gouvernement actuel. En particulier, le nombre de "lits d'hôpitaux", critère central durant la crise du coronavirus pour évaluer la saturation des services de soin, suscite de nombreux débats.

Selon un document de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) daté de septembre dernier (lire ici) "le nombre de lits de soins critiques (réanimation, soins intensifs et surveillance continue), très sollicités pendant l'épidémie de Covid-19, a augmenté de 3,6% entre fin 2019 et fin 2020". La Drees évoque "en particulier, la capacité d'accueil en réanimation [qui] a progressé de 14,5%". Mais ce chiffre, qui ne concerne que les lits accueillant les patients nécessitant les soins les plus cruciaux, n'est pas le reflet d'une tendance globale du quinquennat d'Emmanuel Macron. Le décompte général des lits d'hôpitaux n'est pas si simple, mais traduit toutefois une baisse nette.

Le nombre de lits d'hôpitaux a-t-il baisé durant le quinquennat Macron ?

75 000 lits d'hôpitaux ont été fermés en seize ans, soit une baisse de 16%, rapportait Libération en décembre dernier dans un article consacré au sujet et se basant également sur les données de la Drees. "Entre 2003 et 2019, le nombre de lits d'hospitalisation complète installés, tous établissements, toutes disciplines et tous secteurs confondus, est passé de 468 000 à 393 000" indiquait ainsi l'administration dans l'édition 2021 de son rapport sur "Les établissements de Santé", qui donne une vue d'ensemble de la situation (lire ici). Comprendre : cette dynamique de fermetures de lits est le reflet de politiques antérieures à celles décrétées par Emmanuel Macron ou son ministre de la Santé Olivier Véran. Elle remonte aux années Chirac, Sarkozy et Hollande. Olivier Véran affirmait d'ailleurs en juillet 2020, après des mois de crise sanitaire, que l'Etat en avait "fini avec le dogme de la fermeture de lits. (...) On prend le problème à bras-le-corps mais on paye trente ans d'incurie."

Reste que, selon les derniers chiffres disponibles, mesurés par la Drees dans la Statistique annuelle des établissements (SAE), la tendance à la baisse du nombre de lits disponibles dans les hôpitaux s'est  confirmée au cours du mandat d'Emmanuel Macron, et ce malgré la crise du Covid-19 et le Ségur de la santé. Il est à noter que les chiffres "définitifs" de la Drees ne sont publiés que deux ans après l'année considérée. Les autorités précisent de plus qu'il a été très délicat de mesurer le nombre de lits au fil des années 2019 et 2020, du fait des vagues successives de coronavirus, qui ont occasionné des variations importantes au fil de l'année.

Ainsi, en 2017, 4900 lits d'hôpitaux ont été fermés, soit une baisse d'1,2% du nombre de lits par rapport à l'année précédente. En 2018, 4200 lits étaient encore perdus (soit une baisse de 1,1%). En 2019, ce sont 3100 lits qui ont disparu (soit une baisse de 0,8%) et en 2020 enfin, dernière année à avoir été mesurée, la fermeture de lits a été estimée à 5700, soit une baisse de 1,5% du nombre de lits par rapport à l'année précédente, selon les données officielles provisoires. Il faudra attendre le rapport de la Drees de juillet 2022 pour connaître le chiffre exact des fermetures de lits en 2020. D'ici là, les chiffres pourraient encore changer. Olivier Véran a en effet affirmé en juillet 2020, lors du Ségur de la Santé, que l'Etat financerait une enveloppe de 50 millions d'euros afin d'ouvrir 4000 lits "à la demande".

Comment expliquer la suppression des lits d'hôpitaux ?

Le 5 octobre dernier, le Conseil scientifique, en charge d'épauler le gouvernement pendant la crise du Covid, publiait un rapport dans lequel il affirmait que 20% des lits censés être ouverts étaient en réalité fermés. Cette évaluation était issue d'une enquête "flash", effectuée sur un nombre restreint d'hôpitaux et critiquée en conséquence par la ministre déléguée en charge de l'Autonomie Brigitte Bourguignon, comme le rapporte cet article de Public Sénat. Malgré quelques variations en fonction des régions, ce phénomène a néanmoins été confirmé par plusieurs directeurs des CHU, cités par Médiapart : "Les directeurs de CHU ont confirmé ces chiffres dans un communiqué commun : 14 à 18 % des lits sont fermés en Île-de-France. Dans les autres régions, les fermetures de lits dans les plus grands hôpitaux oscilleraient entre 1 et 12 %." Plusieurs éléments peuvent expliquer cette situation :

Une priorité donnée à la chirurgie ambulatoire. En janvier 2021, la Haute Autorité de Santé affirmait dans un de ses points réguliers sur les indicateurs d'amélioration de la qualité des soins que "les pouvoirs publics soutiennent le développement de la prise en charge sans nuitée afin d'aboutir en 2022 à une pratique ambulatoire majoritaire de 70%". Mais dans les faits, seules 58% des chirurgies étaient réalisées en chirurgie ambulatoire en 2020 comme en 2019, selon l'Association française de chirurgie ambulatoire.

À noter également : une fermeture des lits au moment de la crise du coronavirus, avec des chambres doubles devenues des chambres simples, dans le but d'éviter la propagation de l'épidémie.

À cela s'ajoute, largement rapporté par Mediapart, un manque de personnel soignant. Les professionnels de santé, épuisés, en arrivent même parfois à démissionner. Certains lits seraient donc fermés temporairement, du fait du manque d'infirmières et de médecins pour accueillir et soigner tous les patients et être en mesure de "remplir" ces lits convenablement. Le site d'investigation a consacré des dizaines d'articles à cette crise de l'hôpital français. Globalement, les services hospitaliers dénoncent une "logique comptable", qui ne convient pas à la gestion de l'hôpital public.

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