Interdiction du voile : que propose vraiment Marine Le Pen dans son programme ?

Interdiction du voile : que propose vraiment Marine Le Pen dans son programme ? VOILE ISLAMIQUE. L'interdiction du voile, mesure figurant dans le programme de Marine Le Pen pour la présidentielle, a fait l'objet d'un débat dans l'entre-deux-tours de l'élection. Que propose vraiment la candidate du RN et est-ce réalisable ?

[Mis à jour le 20 avril 2022, à 23h23] Marine Le Pen a été interrogée, en fin de débat d'entre-deux-tours, ce mercredi 20 avril 2022, sur l'interdiction du voile islamique qu'elle appelle de ses voeux dans son programme pour la présidentielle. Si elle a fini par confirmer sa volonté de procéder à une interdiction, la candidate du RN a longuement expliqué en préambule que celle-ci faisait partie "d'un tout" : en somme "la lutte contre l'islamisme".

L'interdiction du port du voile dans l'espace public, figurant dans le programme de Marine Le Pen, a fait bondir Emmanuel Macron pendant cette fin de campagne, qui reste attaché au droit et au respect du principe de laïcité tel qu'établi par la loi de 1905. Le président-candidat a pointé cette volonté de sa rivale avec une formule choc, en alertant : "vous allez créer la guerre civile en faisant ça".

Le débat sur le voile est aussi celui, complexe, de la liberté des femmes musulmanes de choisir ou non et sans contrainte de porter ce signe religieux.

Ce qu'en dit Marine Le Pen : l'interdiction du voile figure noir sur blanc dans le programme de la candidate du RN et figure même dans la synthèse de ses 22 propositions majeures, en ligne sur son site Internet. La mesure culmine même en deuxième position sous l'intitulé "Éradiquer les idéologies islamistes et l'ensemble de leurs réseaux du territoire national". Une proposition de loi "visant à combattre les idéologies islamistes" est ici présentée clé en main. Et c'est dans son article 10 que "l'interdiction dans l'espace public des tenues islamistes" est évoquée. "Sont interdits, dans l'espace public, les signes ou tenues constituant par
eux-mêmes une affirmation sans équivoque et ostentatoire des idéologies visées à l'article 1er. Pour l'application du présent article, l'espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public", peut-on lire.

Marine Le Pen temporise sur l'interdiction du voile

Pourtant samedi dernier, lors d'un déplacement de campagne, Marine Le Pen a préféré temporiser, estimant que le port du voile était un "problème complexe" et qu'il fallait voir l'interdiction comme un objectif plus que comme une mesure immédiate. La candidate a donc mis un peu d'eau dans on vin au risque de ranger sa proposition de loi dans un tiroir pour un bout de temps. Depuis, ses lieutenants se démultiplient dans les médias pour tenter d'expliquer ce revirement, comme l'a récemment expliqué TF1 sur son site. "Le Parlement se saisira de cette question et apportera les réponses pratiques pour qu'effectivement la grand-mère de 70 ans qui porte son petit voile depuis des années ne soit pas concernée, car elle n'est pas la cible. La cible, ce sont les islamistes", a justifié le porte-parole Sébastien Chenu, avant que le maire de Perpignan Louis Aliot affirme que la priorité était de protéger "celles qui subissent une pression" familiale, sociale ou communautaire pour porter le voile.

Ce qu'en dit Emmanuel Macron : le chef de l'Etat, pour sa part, s'en tient à l'esprit de laïcité hérité de la loi de 1905 et refuse de faire du voile "une obsession", comme il l'a indiqué le 15 avril sur franceinfo. Loin de nier l'existence d'un islamisme radical (la loi sur le séparatisme, adoptée pendant le quinquennat dans un climat délétère, est là pour le rappeler), il tente de garder ce sujet à bonne distance de la question du port du voile en lui-même, qui est déjà interdit par la loi dans les services publics, à l'école, au collège et au lycée. Quand une jeune femme voilée "par choix" et se qualifiant de "féministe" l'a interpellé le  12 avril à Strasbourg, le chef de l'Etat a jugé qu'elle était "la meilleure réponse à toutes les bêtises" proférées sur la question selon lui.

Ce qu'il faut savoir : selon plusieurs observateurs dont Les Décodeurs du Monde, l'interdiction du voile dans l'espace public pourrait se révéler juridiquement difficile à adopter et à appliquer car contraire à plusieurs principes et instaurant de fait une différence entre les cultes. Emmanuel Macron a su jouer sur ce risque de censure de la loi proposée dans le programme de Marine Le Pen, en arguant que cette dernière serait contrainte d'interdire également dans la rue "la kippa, la croix, les autres signes religieux" pour ne pas créer de discrimination entre les religions.

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