Rassemblement national : à quoi sert vraiment le nouveau nom du FN ?
[Mis à jour le 1er juin 2018 à 09h57] Le Front national tourne donc la page. Ce vendredi, les cadres du parti se réunissent près de Lyon pour entériner le changement de nom, à l'issue d'une consultation auprès des adhérents, qui ne laisse aucun doute. Le Front national devient donc officiellement ce soir le "Rassemblement national', sorte d'amalgame entre le Front national et le Rassemblement Bleu Marine. Lors du dernier congrès du FN, Marine Le Pen s'était expliquée sur la nécessité d'abandonner le mot "front", un mot qui marque sémantiquement l'opposition. "Nous devons agir 'pour' les Français, dans l'objectif d'accéder au pouvoir" avait-elle argué, ajoutant encore : "Ce nom, Front national, est pour beaucoup de Français, même de toute bonne foi, un frein psychologique. [...] La rénovation pour laquelle vous m'avez élue, je vous demande maintenant de la conduire à son terme".
Reste que la "rénovation" pourrait demeurer très formelle : la main tendue à Nicolas Dupont-Aignan pour les élections européennes pourrait ne pas être saisie. Marine Le Pen lui a proposé de faire liste commune, mais le patron de Debout La France a bien plus à gagner à présenter sa propre liste : compte tenu du mode de scrutin, il parviendra sans difficulté à se faire élire député européen et s'offrira une nouvelle séquence personnelle très médiatique. Accepter une fusion avec Marine Le Pen serait un risque considérable qui pourrait conduire son parti à se diluer dans le FN.
Et si les stratégies d'alliance échouent, que reste-t-il pour incarner le changement ? Le parti de Marine Le Pen semble revenir depuis sa lourde défaite aux présidentielles à ses fondamentaux : au rassemblement de Nice, le 1er mai, les frontistes ont axé leurs interventions sur la défense de l'identité française, de la civilisation européennes... Au coeur des priorités invoquées : la lutte contre l'immigration, la sécurité des Français, la préférence nationale. Peu de place est désormais accordée à l'économie ou au social, sujets sur lesquels aucune ligne claire n'a été déterminée et défendue.
"Rassemblement national" : mauvaise idée pour le renouveau
Le changement de nom ressemble de plus en plus à un coup d'épée dans l'eau. Marine Le Pen voulait frapper un grand coup, moderniser son parti et le faire entrer dans une autre époque : une ère dans laquelle sa formation politique pourrait se construire en s'affranchissant de son image et de son passé d'extrême droite. Mais le nom choisi n'a rien de neuf, bien au contraire. Marine Le Pen et les cadres du FN ne peuvent l'ignorer : le "Rassemblement national" a déjà une histoire : c'est d'abord le nom du parti politique de Jean-Louis Tixier-Vognancour, candidat d'extrême droite à l'élection présidentielle de 1965. Son directeur de campagne de l'époque n'était autre que... Jean-Marie Le Pen. Ce dernier, qui créera le Front national en 1972, baptisera son groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, de 1986 à 1988, par ce même nom : "Rassemblement national". C'est d'ailleurs le nom qu'il choisira pour mener les élections législatives de 1986.
Pour ce grand féru d'histoire et cet homme de tradition qu'est Jean-Marie Le Pen, il est assez vraisemblable qu'il n'ignorait pas à l'époque le lien - même indirect - qui s'établissait entre sa formation et le "Rassemblement national populaire", le parti collaborationniste créé en 1941 par Marcel Déat. Fait historique, l'un des cofondateurs avec Jean-Marie Le Pen du Front national, Roland Gaucher, était l'un des responsables, durant la guerre, du mouvent des jeunes du Rassemblement national populaire...
Marine Le Pen et les cadres du parti seront d'ailleurs ravis d'apprendre qu'à la recherche "Rassemblement national", le moteur de recherche met très clairement en avant l'histoire du Rassemblement national populaire, avec le logo du mouvement...
