L'abbé Pierre antisémite ? Ce qu'il disait des Juifs et du maréchal Pétain
Une nouvelle onde de choc survient, moins d'un an après les accusations d'agressions sexuelles portées contre le prêtre décédé en 2007. Dans le livre-enquête Abbé Pierre, la fabrique d'un saint (éd. Allary), paru le 17 avril, les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin révèlent que le Vatican était alerté "dès l'automne 1955" sur ses comportements jugés problématiques à l'égard de femmes et de mineurs. Mais ce n'est pas tout. Une autre face sombre de l'homme à "l'ego surdimensionné" et décrit comme "un grand malade" peut-être atteint de "schizophrénie" par l'ex ambassadeur auprès du Vatican refait surface : ses propos antisémites et son soutien affiché pour le régime de Vichy.
Henri Grouès, connu sous le nom de l'abbé Pierre, est souvent célébré pour son engagement dans la Résistance dès 1942, notamment pour avoir aidé des Juifs à fuir vers la Suisse avec de faux papiers. Pourtant, un an plus tôt, les discours du fondateur d'Emmaüs ne portaient pas les mêmes valeurs d'après les archives que les journalistes ont pu consulter. "Ayons la fierté de penser que le maréchal [Pétain] travaille à cette conquête, la plus belle et la plus glorieuse", déclarait l'homme selon les documents cités. En mai 1941, lors d'un rassemblement au Vélodrome de Grenoble devant 600 jeunes, le jeune prêtre appelait à suivre le maréchal Pétain : "Partout où aujourd'hui la France renaissante de notre grand maréchal agit, soyez présents, soyez au premier rang, soyez des plus grands lutteurs, dans la conscience et l'enthousiasme". Un zèle pétainiste difficilement compatible avec l'image du résistant que l'Histoire a retenue.
Des propos antisémites devant les services spéciaux
Plus étonnant encore : le 21 juillet 1944, lors d'une audition par la direction technique des services spéciaux, l'abbé Pierre tenait des propos teintés d'antisémitisme. Celui qui deviendra député un an plus tard évoquait "des familles contraintes à l'oisiveté (sans qu'il soit de leur faute, certes) mais regorgeant d'or avec quoi elles raflaient avec une impitoyable dureté tout". Il déplorait la supposée "trop faible proportion d'Israélites dans les maquis (certes il y en a et de splendides...)" et les "trop fortes proportions au contraire parmi les passifs 'planqués', des fermes ou des petits hôtels."
Les idées de l'abbé Pierre ne se sont pas effacées avec le temps. Au milieu des années 1990, il apportait son soutien au philosophe Roger Garaudy, lequel a nié l'existence des chambres à gaz et a minimisé la réalité de la Shoah dans un livre. Le penseur a d'ailleurs été condamné pour contestation de crimes contre l'humanité. Quelques années plus tard, l'abbé justifiait sa position en parlant d'un soutien "à titre amical", sans pour autant revenir sur ses propos.