Syrie : qui a massacré les civils alaouites ? Le gouvernement responsable ?
La chute du régime syrien le 8 décembre dernier n'a finalement pas dissipé le chaos ambiant. Depuis le début du mois de mars, de violents affrontements entre des fidèles du président déchu Bachar al-Assad et des forces de sécurité mettent le pays à feu et à sang. Ces violences extrêmes ont éclaté dans la région de Lattaquié, dans le nord-ouest du pays, sur le littoral syrien. Ici, se trouve la minorité alaouite, une branche de l'islam chiite dont est issu l'ex-président et qui représente 9 % de la population du pays. Jeudi dernier, les fidèles de Bachar al-Assad ont lancé une attaque contre les forces de sécurité intérimaires. La réponse, elle, a été d'une brutalité inouïe.
Au total, pas moins de 1 103 personnes ont perdu la vie depuis quatre jours, selon le dernier bilan de l'Observatoire des droits de l'Homme (OSDH) publié ce dimanche. "830 civils alaouites ont été tués dans les régions de la côte et les montagnes de Lattaquié par les forces de sécurité et des groupes affiliés", assure l'ONG. Aussi, 273 membres des forces de sécurité et des combattants pro-Assad sont morts. L'espoir de la paix semble désormais voler en éclat dans cette région, après presque quatorze ans de guerre et cinquante-trois ans de règne de la famille Assad.
Le ministère de l'Intérieur syrien reconnaît des "exactions isolées"
Après une attaque lancée par les partisans de l'ancien président syrien, Ahmad al-Chareh, leader du groupe islamiste sunnite radical HTS et désormais président par intérim a lancé la riposte avec l'envoie renforts à Lattaquié et Tartous. Dans ce climat délétère, le dirigeant par intérim a déjà appelé les insurgés alaouites à se rendre "avant qu'il ne soit trop tard (...) Vous vous en êtes pris à tous les Syriens et avez commis une faute impardonnable. La riposte est tombée, et vous n'avez pas pu la supporter", a-t-il lancé.
De son côté, Aron Lund - du centre de réflexion Century International - assure auprès de l'AFP que ces nouvelles violences témoignent de la "fragilité du gouvernement", composé de "jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu". Ahmad al-Chareh appelait ce dimanche à "préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible". Toutefois, ce discours n'est pas partagé par l'ensemble des factions qui oeuvrent sous ses ordres. Voilà pourquoi, les violences pourraient se poursuivre.
Dans les faits, le gouvernement en place traque désormais les hommes fidèles à l'ancien régime pour tenter d'en finir. Ahmad al-Chareh a déjà annoncé la formation d'une "commission d'enquête indépendante" sur "les exactions contre les civils" afin d'en identifier les responsables et de les "traduire en justice". Le ministère de l'Intérieur syrien reconnaît lui des "exactions isolées", imputées à des "foules" qui souhaitaient se venger contre les alaouites, tenus responsables de crimes sous l'ancien régime.
L'ONU réclame l'arrêt immédiat des "tueries de civils"
Il pourrait toutefois s'agir de crimes à plus grande échelle - perpétrés par des milices proches du pouvoir - notamment à la vue de certaines vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux, même si elles restent relativement délicates à identifier pour le moment. L'agence officielle syrienne Sana rapporte par exemple de "violents affrontements" à Taanita, un village dans la montagne de la province de Tartous, où ont fui "de nombreux criminels de guerre affiliés au régime renversé et des groupes d'hommes fidèles à Assad qui les protègent".
La diplomatie française a elle, appelé à faire "condamner" les "perpétrateurs", tout en "condamnant avec la plus grande fermeté les exactions" contre les civils. "À la suite d'une série d'attaques coordonnées qui auraient été lancées par des membres de l'ancien gouvernement et d'autres hommes armés locaux, nous recevons des rapports extrêmement inquiétants faisant état de familles entières, y compris des femmes, des enfants qui ont été tués", indiquait ce dimanche l'ONU. "Les tueries de civils doivent cesser immédiatement", abonde Volker Türk, Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme dans un communiqué.
11:51 - Une position qui "ridiculise la diplomatie française", selon Bardella
L'extrême droite appelle le gouvernement français à faire pression sur le pouvoir intérimaire syrien pour protéger les minorités après les tueries de civils alaouites. "Ce qui m’interpelle, c’est que tout le monde s’est félicité de la chute d’un dictateur, dont acte", commente le président du RN Jordan Bardella sur France Inter ce lundi. "La France, par la voix de son ministre des Affaires értangères, M. Barrot, a été la première à se rendre à Damas pour se prosterner devant le nouveau régime syrien, tenu par les héritiers d'Al-Qaïda, de Daech et d'une organisation terroriste qui a élaboré des attentats contre la France", dénonce-t-il. Il accuse la diplomatie française de se prosterner "devant les héritiers de Daech et d'Al-Qaïda en Syrie (...) je trouve que ça ridiculise la diplomatie française, ça ridiculise sa fonction", conclut-il.
11:45 - François Fillon dénonce des "massacres (..) avec la complicité" du gouvernement
"Je viens de parler au téléphone avec la mère supérieure du couvent carmélite de Maaloula en Syrie. Elle appelle la France au secours devant les massacres de civils Alaouites et chrétiens en cours en Syrie. Ces massacres sont perpétrés par des factions djihadistes qui agissent avec la complicité du nouveau pouvoir syrien", réagit l'ex-Premier ministre François Fillon sur X au sujet des tueries de civils en Syrie depuis le 6 mars dernier ayant causé la mort de plus 800 alaouites.
"Dans la ville de Banya plus d’un milliers de personnes dont des femmes et des enfants ont été assassinés. J’en appelle au président de la République pour agir sur le gouvernement syrien qui ne peut pas se prévaloir de ses relations avec la France tout en laissant cyniquement faire ce qui pourrait devenir une opération d’élimination systématique des populations alaouites et chrétiennes", poursuit-il.