Élection en Turquie : Erdogan vainqueur les résultats définitifs
[Mis à jour le 29 mai 2023 à 10h54] Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu pour un troisième mandat, dimanche 28 mai. À 69 ans, il dispose de pouvoirs importants et devient l'homme politique le plus populaire du pays depuis Mustafa Kemal Atatürk, rapporte Le Monde. Le président l'a emporté avec 52% des voix face à Kemal Kiliçdaroglu, donné un temps favori des sondages. À la suite de l'annonce de cette victoire, des dirigeants du monde entier ont félicité le président de la Turquie. Selon une information de l'AFP reprise par RTL, le président russe Vladimir Poutine a été le premier à féliciter Erdogan et a salué le "travail dévoué" de l'homme politique.
Sur Twitter, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s'est aussi adressé au président turc. Il a exprimé son souhait de renforcer la coopération avec ce pays "pour la sécurité et la stabilité de l'Europe". Dans son message de félicitations, Emmanuel Macron a également mis en avant l'Europe, souhaitant le "retour de la paix", mais aussi travailler sur "l'Alliance euro-atlantique [et la] mer Méditerranée". Enfin, le chancelier allemand Olaf Scholz a rappelé que l'Allemagne et la Turquie étaient des "partenaires étroits et alliés" et souhaite avancer sur des sujets communs avec Erdogan.
Résultat de l'élection présidentielle en Turquie
Plus de 60 millions d'électeurs turcs étaient appelés aux urnes ce dimanche 28 mai. Selon le site du quotidien national turc Sabah, Recep Tayyip Erdogan l'a emporté avec 52,16% des voix, contre 47,84% des suffrages pour Kemal Kiliçdaroglu. Le taux de participation était de 84,22%. Au premier tour de l'élection présidentielle, Erdogan avait obtenu 49,5% des voix tandis que son rival Kemal Kiliçdaroglu avait réuni 44,9% des suffrages. Les deux autres candidats ont été éliminés avec 5,17% des voix pour Sinan Ogan et 0,43% pour Muharrem Ince.
Quel candidat a récupéré les voix de Sinan Ogan ?
Dans une conférence de presse donnée au Grand Mercure d'Ankara, le candidat ultranationaliste Sinan Ogan a annoncé son soutien à Erdogan, après avoir été défait avec 5,2% des voix au premier tour. "Nos négociations ont été conduites autour des principes suivants : le terrorisme sera combattu ; un calendrier sera établi pour renvoyer les réfugiés; et les institutions étatiques turques seront renforcées" a avancé ce chef de file de l'extrême droite. Mais selon le Huffington Post, Erdogan lui a tout de même fait savoir qu'il n'avait pas besoin de ses voix pour remporter cette élection.
Erdogan peut déjà se féliciter de conserver la majorité à la Grande Assemblée nationale de Turquie : il est à la tête de l'Alliance de la République qui détient désormais 321 sièges sur 600. Le poste de président reste plus important. La réforme constitutionnelle de 2017 a fait passer la Turquie d'un régime parlementaire à un régime présidentiel où le chef de l'État règne par décrets.
Durant l'entre-deux-tours, le rival d'Erdogan, Kemal Kilçdaroglu, a tenté de draguer les électeurs de Sinan Ogan. Ogan a récolté presque 3 millions de votes. Le discours de Kemal Kilçdaroglu s'est en effet durci sur l'immigration, comme le rapporte RFI : "Je renverrai tous les réfugiés chez eux dès mon arrivée au pouvoir", a-t-il ainsi déclaré. Cela tranche avec sa volonté première de fixer un cap de deux ans pour expulser les 4 millions de réfugiés en Turquie. Le rival d'Erdogan reprend ici une promesse de campagne d'Ogan.
À quelles dates ont lieu les élections en Turquie ?
Les Turcs ont été invités à voter deux fois le même jour. Le dimanche 14 mai, ils ont été appelés à désigner pour le premier tour leurs députés ainsi que le président. Le scrutin présidentiel est le même qu'en France : uninominal majoritaire à deux tours, et le président est élu pour cinq ans de mandat. Les élections législatives utilisent le scrutin proportionnel. Les députés sont 600 à être élus pour six ans. Un parti doit obtenir 7% des suffrages pour obtenir un siège.
Comme aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue au premier tour, un second scrutin entre les deux premiers candidats a donc eu lieu ce dimanche 28 mai pour élire le président.
Quelles étaient les promesses des candidats ?
Recep Tayyip Erdogan :
Erdogan souhaite conserver sa ligne économique actuelle. Il est fermement opposé aux théories économiques de l'orthodoxie classique : il continuer de baisser les taux d'intérêt malgré une inflation galopante depuis plus de deux ans. La livre turque a également perdu près de 80% de sa valeur en cinq ans face au dollar. Sur le plan international, Edrogan souhaite qu'Ankara conserve un lien fort avec la Russie alors que l'opposition souhaite se rapprocher de l'Union européenne.
Kemal Kiliçdaroglu :
L'Alliance Nationale, les six partis menés par Kemal Kiliçdaroglu, souhaite abandonner le régime présidentiel mis en place en 2018. Cela se traduit par le retour d'un système parlementaire avec à sa tête un Premier ministre élu par le Parlement. Mais pour cela, il faut réunir 3/5ème des votes des députés pour entamer une révision constitutionnelle. La coalition le souhaite pour revenir à une séparation stricte des pouvoirs dans le pays.
Kiliçdaroglu a promis de libérer de nombreux prisonniers politiques s'il arrive au pouvoir. Il souhaite aussi améliorer la liberté d'expression et celle de la presse alors que la Turquie est classée en "situation très grave" selon Reporters sans frontières. Par contre, son alliance ne s'est pas positionnée sur les Kurdes, un sujet très critique en Turquie. Elle entend pouvoir renvoyer en Syrie les plus de trois millions de réfugiés syriens vivant actuellement en Turquie.
La situation économique de la Turquie
Selon Le Monde, la livre turque est en chute libre : - 28% face au dollar en 2022 et -44% en 2021. Si l'inflation fait beaucoup parler en France, les Turcs ont subi une hausse de 108,7% en un an dans un pays ou plus de la moitié des salariés gagnent moins de 300 euros par mois.
Mais la Turquie est un paradoxe : c'est l'un des rares pays à garder une croissance positive en 2020. Le taux de croissance en 2022 est de 7,6% contre 0,5% en France. Dans le même temps, le chômage diminue depuis deux ans. Le contexte économique est donc un véritable casse-tête à décrypter.
Haluk Levent, professeur d'économie à l'université d'Istanbul, décrypte la situation : "Le pouvoir a fait le choix d'une politique économique populiste et ultralibérale, uniquement tournée vers la production et la construction. C'est très profitable aux petits commerçants et entrepreneurs, son vivier électoral et aux banques." Il est très pessimiste sur l'avenir de son pays : "le système mis en place aboutit à gonfler une bulle extrêmement dangereuse, bâtie sur la dette privée, dont on imagine mal ne pas voir un jour l'implosion".