Incendie en Californie : l'Oak Fire a-t-il atteint le parc national ?

Incendie en Californie : l'Oak Fire a-t-il atteint le parc national ? INCENDIE. Une semaine après l'embrasement, seul 1/3 de l'incendie est contrôlé par les pompiers. Aidé dans sa progression par un sol aride et des zones boisées, Oak Fire menace le parc national Yosemite. On fait le point.

[Mis à jour le 29 juillet 2022 à 10h10] Cela fait déjà une semaine que les flammes de l'Oak Fire brûlent le sol californien. Sur fond de sécheresse chronique et de températures caniculaires, plus de 7500 hectares sont déjà partis en fumée. Depuis son déclenchement le 22 juillet dans la petite ville de Midpines, il ne laisse aucun répit aux pompiers californiens qui ne sont parvenus à maîtriser que 36% de l'incendie, a-t-on appris ce 29 juillet.

Oak Fire a un comportement "sans précédent", alertaient le 27 juillet les pompiers qui luttent hardiment contre des flammes de plus de 30 mètres de haut. Projetant des étincelles à plus de 1 mile (1,6 km) à la ronde, il poursuit sa progression, anéantissant les espoirs de retour à une situation normale en Californie.  Malgré le déploiement de 2500 agents, 300 camions et 17 hélicoptères, Oak Fire pourrait atteindre le parc national Yosemite. Si les grands arbres de Californie avaient été préservés des flammes lors du précédent feu au début du mois, cette fois, leur sauvegarde n'est pas assurée dans la mesure où ils sont déjà fragilisés par la fréquence des feux de ces deux dernières années. On fait le point sur la progression du feu et le risque pour la faune et la flore californienne.

Où en est la progression de l'Oak Fire en Californie ?

Entre zones boisées et montagneuses, sols asséchés, arbres morts au sol et humidité traître, les pompiers californiens sont donc dans une situation très délicate. "Dès le début, on a donné tout ce qu'on avait" assurait au Los Angeles Times Mike Van Loben Sels, le responsable local de l'agence de lutte contre les incendies Cal Fire. Et de fait, ce sont plus de 2500 soldats du feu qui luttent hardiment contre les flammes depuis près d'une semaine. Ce 29 juillet, une nouvelle étape de travail les attend : pour éviter que les flammes gagnent de nouvelles zones, les pompiers multiplient l'arrosage des sols asséchés... Et sont même contraints de couper des arbres qui ont été dévastés par le feu. 

Chaque mètre gagné sur les flammes est une victoire pour les pompiers californiens qui assistent, comme impuissants, à la propagation de ces flammes qui ont atteint les zones boisées et montagneuses de la région. L'humidité elle-même est devenue un obstacle supplémentaire pour les pompiers puisqu'elle empêche les véhicules des secours de monter sur les collines. Les agents doivent alors monter à pied plusieurs fois par jour avec plus de 30 kg de matériel sur le dos, sans compter le manque de visibilité due aux nuages de fumée qui s'élèvent au-dessus des arbres. "Les prochaines heures vont être cruciales, il faut que les hélicoptères continuent à larguer de l'eau sur les points chauds pour les refroidir et après, il faudra réussir à faire les équipes dans la zone", a prévenu ce 28 juillet Rick Carhart, porte-parole des pompiers californiens.

Pour les soldats du feu, la seule solution est de travailler au rythme des régimes de brises. De fait, depuis l'embrasement, ils sont intervenus lors accalmies de nuit et de matinée, évitant donc de gaspiller inutilement leurs forces lors des périodes défavorables que sont les après-midis, lorsque le vent descend la vallée centrale de Californie et remonte les pentes de la Sierra Nevada. Le vent n'a stagné qu'autour de 30 à 40 km/h en rafales, certes, mais cela a suffi à attiser le brasier. Les pompiers ne sont pas non plus aidés par les températures qui repartent à la hausse en cette fin de semaine avec des maximales comprises entre 35 et 37°C, et des températures nocturnes ne descendant pas en dessous de 22-25°C. Si en milieu de semaine, quelques gouttes ont été observées à Midpines, l'origine de l'incendie, elles n'ont pas été suffisantes pour aider les pompiers. Le dernier espoir repose sur la mousson qui pourrait faire remonter des averses et des orages à partir du 31 juillet... Mais même cette fenêtre de sortie pourrait jouer des tours en Californie : étant donné l'aridité des sols, qui sait si ses orages ne déclencheront pas d'autres foyers par la foudre....

Le parc national de Yosemite est-il menacé par l'Oak Fire ?

Ce parc est devenu l'un des plus célèbres au monde grâce à ses séquoias géants, des arbres millénaires que la région s'attache à protéger des intempéries. En cette fin juillet, il est dangereusement menacé par les flammes qui menacent de lécher les branches de ses immenses arbres. En prévention, l'une des routes menant au parc national de Yosemite a été coupée, mais le parc lui-même n'a pas été fermé. 

L'écosystème du parc californien étant bien plus sensible aux flammes depuis les incendies à répétition de ces cinq dernières années, en particulier depuis le mégafeu de 2021, les arbres du parc national pourraient succomber au feu. Aux yeux d'Andrea Williams, de la California Native Plant Society, une ONG américaine de défense de l'environnement, "depuis 200 ans, la manière dont les terres ont été gérées a mené à l'abattage de plus en plus fréquent de grands arbres". Elle a notamment mis en relief l'inquiétante perte de résilience de ces arbres : s'ils sont généralement bien adaptés aux incendies de faible intensité, au point que dans certains cas ils ont même besoin du feu pour se reproduire", le fait que de "si grands arbres meurent" est un "signe flagrant qu'il y a un déséquilibre environnemental". 

Quelle est l'origine du feu qui ravage la Californie ?

Si les causes de l'incendie qui s'est déclenché le 22 juillet dans le comté de Mariposa en Californie aux abords du parc national Yosemite n'ont pas encore été identifiées, les experts s'accordent pour le qualifier de plus gros feu de forêt californien de la saison. Pour l'heure, les autorités ignorent si l'origine du feu est criminelle. Une seule chose est sûre : les températures extrêmes enregistrées dans la région n'aide pas les pompiers à circonscrire les flammes. 

L'ouest américain subit actuellement une vague de chaleur inédite avec des températures qui ont grimpé jusqu'à 38°C dans cette région de la Californie le 23 juillet. Le niveau d'humidité dans l'air atteint lui aussi des niveaux proches des records : 8 à 9% d'humidité ont été enregistrés le 24 juillet, alors que la normale se situe généralement entre 30 et 50% sur cette zone à cette époque de l'année. 

Aidé dans sa progression par un terrain particulièrement aride, il menace encore des milliers d'habitations dans de petites localités rurales du compté de Mariposa. En conséquence, le gouverneur de Californie Gavin Newson a déclaré l'état d'urgence. Particulièrement vigoureux, le feu "avance très rapidement" et la "fenêtre de réaction" pour évacuer les gens est "limitée", comme l'expliquait sur la chaîne CNN Jon Heggie, un responsable des soldats du feu californiens.  

Les témoignages des personnes évacuées en Californie

Les évacuations se poursuivent en Californie. "Plus de 6.000 personnes, vivant pour la plupart dans de petites localités en altitude, ont dû évacuer", rapportait le 23 juillet un porte-parole des pompiers de Californie, cité par le journal Los Angeles Times. Pour les habitants de ces maisons sinistrées, la situation est parfois difficile à supporter. "C'était effrayant quand nous sommes partis, parce que nous recevions des cendres sur nous et nous avions une telle vision de ce nuage (de fumée). On aurait dit qu'il était au-dessus de notre maison et qu'il venait vers nous très rapidement", expliquait notamment une femme qui a dû quitter sa maison ce week-end lors d'un témoignage retransmis sur la chaîne de télévision locale KCRA 3. Pour son époux, actuellement réfugié dans une école de Mariposa transformée en centre d'accueil d'urgence, tout est allé très vite :  "On commençait à rassembler nos affaires. Je suis remonté sur la colline pour regarder et j'ai pensé +Oh mon Dieu+, il (le feu) arrivait vite". 

Oak Fire n'a pas fini d'impressionner, ni de terroriser les californiens. Un témoignage en particulier a été relayé : celui de David Lee, un évacué qui s'est confié au journal Santa Cruz Sentinel : "Les flammes atteignaient jusqu'à 30 mètres de haut". Cet homme de 55 ans faisait parti des premières personnes évacuées le 22 juillet. Il a dû laisser sa maison et toutes ses affaires, qu'il pense désormais englouties par l'incendie. "Il fonçait droit vers nous. Ce feu est de loin le plus rapide que j'ai jamais vu", avait-il expliqué aux journalistes.

L'incendie Oak Fire peut-il être considéré comme un mégafeu ?

Si John Heggie, le responsable des pompiers de Californie a qualifié l'incendie en cours aux abords du parc de Yosemite de "mégafeu", techniquement, les flammes ne sont pas encore suffisamment importantes pour employer ce terme. De fait, selon Cal Fire, l'agence américaine de lutte contre les incendies, les flammes ont déjà détruit quelque 7 200 hectares de forêt et 41 maisons (d'après le point effectué le 26 juillet au soir). En outre, les pompiers américains étaient déjà parvenus à contenir 26% des flammes, contre 16% la veille, le 25 juillet, et ce en grande partie grâce à une humidité renforcée. Ils sont donc en mesure de contrôler une certaine proportion de la circonférence de la zone affectée par l'incendie. Or, les incendies ne sont considérés comme mégafeux que lorsque la zone affectée s'étend sur plus de 10 000 hectares et qu'ils sont totalement hors de contrôle.

© Noah Berger/AP/SIPA

L'incendie Oak Fire est-il lié au réchauffement climatique ?

Si les causes du départ de l'incendie sont en cours d'examen, les climatologues sont formels : il est alimenté par les arbres morts et les buissons desséchés, fléaux qui tendent à se multiplier dans cette région victime de sécheresse chronique. John Heggie, le responsable des pompiers de Californie estime qu'il est un "résultat direct du changement climatique" : "On ne peut pas avoir dix ans de sécheresse en Californie et s'attendre à ce que les choses ne changent pas", a-t-il déclaré. De fait, l'Oak Fire, s'il est très impressionnant, n'est en réalité qu'un des innombrables stigmates des vagues de chaleur qui ont frappé l'Amérique ce mois-ci. Selon une carte du service météo national (NWS), une très large partie du pays, dont la Californie, tout le sud, puis une grande partie de la côte est, a connu des températures de 37°C à 43°C. Avec cette chaleur torride, difficile d'éteindre les flammes.

Ce constat est partagé par Jonathan Pierce, un porte-parole des pompiers californiens qui estime qu'une faible humidité et des températures élevées alimentent actuellement l'incendie. Il a également évoqué la forte "mortalité des arbres" dans le comté de Mariposa, où les nombreux "arbres morts sur pieds" laissent des éléments potentiellement inflammables au sol. L'allongement de la saison des incendies produit donc des conditions météorologiques particulièrement favorables aux flammes. On notera aussi la remarque d'Andrea Williams, de la California Native Plant Society, une ONG américaine de défense de l'environnement qui confiait à RFI que le changement climatique a "un impact sous forme de sécheresse, ce qui tend à rendre les feux plus graves", dans la mesure où les plantes de Californie ont de plus en plus de mal à s'adapter à l'accumulation d'incendies.

Quelle est la part de responsabilité humaine dans le déclenchement des incendies en Californie ?

Ce n'est pas faute d'avoir prévenu. "Les scientifiques ont prédit ces événements extraordinaires et catastrophiques depuis des décennies maintenant, se désolait ce dimanche 24 juillet sur la chaîne de télévision ABC News l'ancien vice-président américain Al Gore, qui avait reçu un prix Nobel de la paix en 2007 pour son engagement pour le climat.  "Aujourd'hui, ils disent que si nous n'arrêtons pas d'utiliser notre atmosphère comme une poubelle et si nous n'arrêtons pas ces émissions (de gaz à effet de serre) qui piègent la chaleur, les choses vont empirer", a-t-il martelé, avant de conclure : "La survie de notre civilisation est en jeu".

95% des incendies sont d'origine humaine. C'est un chiffre que les climatologues et experts répètent à l'envi depuis le début de l'année, tant 2022 semble être l'année des embrasements à répétition. L'agence Cal Fire l'explique ces jours-ci sur les plateaux TV américains, prenant l'exemple du foyer "Agua Fire" qui avait été allumé le 18 juillet dernier par l'étincelle d'un moteur de voiture dans le comté de Mariposa brûlant au total 420 hectares. Ce constat en tête, l'agence incite les habitants à tondre leurs pelouses avant 10 heures du matin, et d'équiper leurs tronçonneuses et autres machines fonctionnant à l'essence de dispositifs empêchant la propagation des étincelles. Pour autant, si l'on prend l'exemple des mégafeux du mois d'août 2020, période particulièrement destructrice pour la flore américaine, l'origine du feu réside dans les éclairs secs qui avaient frappé les Etats-Unis. 

Y a-t-il eu d'autres incendies en Californie en juillet 2022 ? 

Malheureusement, le parc et sa région n'en sont pas à leur première alerte incendie. Le "Oak Fire" est déjà le troisième feu qui affecte les environs du Yosemite depuis le début du mois de juillet 2022. Les pompiers se souviennent avec amertume du 7 juillet dernier, lorsque le "Washburn Fire" avait brûlé 2 000 hectares, sans toutefois menacer sérieusement les séquoias millénaires qui avaient pu être protégés par les feux dirigés menés depuis des décennies dans ses bosquets pour diminuer le combustible présent au sol. Cette fois encore, les soldats du feu luttent sans relâche "en utilisant des bulldozers, des équipes manuelles et des avions", comme l'a rapporté le Cal Fire, département chargé de gérer les incendies dans l'Etat de Californie.

Les soldats du feu continuent à se battre ce 29 juillet. Mais tous ces éléments laissent à penser qu'ils ne pourraient être qu'au début d'une longue saison de lutte enflammée. "Étant donné les conditions de combustion et les feux de forêt dont on parle, nous nous attendons à avoir encore quatre, cinq ou six mois très durs", avait prévenu en juin l'un des responsables des pompiers de Californie, Brian Fennessy.