RT, Sputnik… Les médias russes vraiment inaccessibles en Europe ?
En complément des sanctions économiques et commerciales prises à l'encontre de la Russie par l'Union européenne, le bannissement des médias russes dans la zone Europe est en cours. Pour Russia Today (RT), la sentence est l'interdiction de l'accès à ses contenus multimédias. Et pour Sputnik, la fin de ses déclinaisons en anglais, allemand, français et espagnol. Si certains réseaux sociaux tergiversent et sanctionnent un média et pas l'autre, les 4 plus grands, Facebook, Instagram, Youtube, et TikTok ont sauté le pas en suspendant les comptes des 2. Parmi les réseaux qui manquent encore à l'appel, Twitter, sur lesquels les 2 sont encore accessibles, ou la messagerie Télégramme qui n'a pas encore supprimé RT, comme l'indique Europe 1.
Ces interdictions, juridiquement justifiées par le "régime des sanctions" qui se fonde sur un règlement du Conseil européen adopté en 2014, font suite au discours qu'Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission Européenne, prononcé lors d'une conférence de presse le 27 février, et diffusé par France24. Elle y indiquait notamment que l'Europe devait "interdire la machine médiatique du Kremlin". Elle se s'en cache pas, l'objectif est ainsi d'empêcher les médias d'Etat russes de "diffuser leurs mensonges pour justifier la guerre de Poutine et pour semer la division dans notre union". Pour Jean-Yves-Le-Drian, ministre des Affaires étrangères, qui s'est exprimé sur le sujet dans un discours officiel le 1er mars, les sanctions économiques et financières devraient "mettre fin à la désinformation diffusée en Europe par les organes de propagande russe". Les mots les plus durs auront finalement été ceux de la porte-parole du Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Nabila Massrali, qui dit "douter que l'on puisse les qualifier de média", selon le site EU Observer.
RT et Sputnik bannis dans la crise ukrainienne
Les médias russes répliquent, s'indignant, à l'instar de RT France, d'une "violation de l'Etat de droit" par ces mesures allant "à l'encontre des principes de la liberté d'expression", dans un article publié sur son site. Face à l'urgence, le média a même tenu une assemblée générale réunissant les salariés et la direction le 1er mars. Si la faillite de la direction de RT semble probable, comme l'affirme la journaliste Aude Lancelin, le direct de la chaîne était pourtant toujours diffusé sur le site de RT France et le site Sputnik toujours accessible ce mercredi 2 mars.
De fait, ces réseaux ne sont pas encore inaccessibles en France où la suspension de la chaine de télévision RT doit être validée par l'ARCOM, le régulateur des médias français. C'est ce que demandait Laurent Lafon, le président de la commission de la culture du Sénat, dans un courrier envoyé au président de l'Arcom et à Roselyne Bachelot le 24 février dernier, explique Public Sénat. Le texte législatif actant cette décision sera publié ce mercredi 2 mars : le texte entrera alors en vigueur, rendant les médias russes définitivement inaccessibles.
Des news contrôlées par le Kremlin ?
Si Margarita Simonian, la rédactrice en chef de RT s'indignait en 2014 : "Deutsche Welle, la BBC ou France 24 sont bien financés par des États, quelle différence cela fait-il avec nous ?", la comparaison est trompeuse, étant donné le faible degré d'indépendance de ce média qui prône un "point de vue russe sur les évènements mondiaux", comme indiqué sur son site officiel. RT revendique une vision alternative de l'actualité, concurrente avec celle des médias dominants pour "briser le monopole des médias anglo-saxons", disait Poutine en 2013. Si les médias russes paraissent inaccessibles, c'est donc pour leur rejet de l'establishment occidental, explique la Revue des médias. Au-delà de l'idéologie, il y a le problème du financement direct du Kremlin que, comme le rapportait Midi Libre, l'Union européenne estime être à la hauteur de 430 millions d'euros.