Féminicide de Chahinez Daoud : avec un discernement altéré, l'ex-mari peut-il être condamné ?

Féminicide de Chahinez Daoud : avec un discernement altéré, l'ex-mari peut-il être condamné ? Le procès de l'assassinat de Chahinez Daoud, morte brûlée vive en mai 2021, débute ce lundi 24 mars. L'ex-mari de la victime, qui dément avoir eu l'intention de donner la mort, encourt la réclusion criminelle à perpétuité à moins que...

Il lui a tiré dessus avant de l'asperger d'essence et de l'immoler. Ce lundi 24 mars s'ouvre le procès de Mounir Boutaa, accusé d'avoir tué son ex-femme, Chahinez Daoud morte brûlée vive, le 4 mai 2021 devant son domicile de Mérignac, près de Bordeaux. L'homme aujourd'hui âgé de 48 ans est jugé pour "assassinat" jusqu'au vendredi 28 mars devant la cour d'assises de Gironde.

Interpellé après la mort de Chahinez, Mounir Boutaa. avait été placé en garde à vue et avait alors déclaré aux enquêteurs avoir voulu "cramer" son ex-femme, "lui laisser des traces" en la brûlant "un peu" et "lui faire la peur de sa vie", mais avait nié toute volonté de tuer la mère de trois enfants et toute préméditation des faits. Il assurait seulement chercher à "la punir [...] pour tout le mal qu'elle et la justice [lui avaient] fait" en le faisant condamner pour violences conjugales, à tort selon lui.

Le quadragénaire avait effectivement été condamné à dix-huit mois de prison, dont neuf avec sursis probatoire, en juin 2020 et avait depuis interdiction d'entrer en contact avec sa femme après l'avoir étranglée et menacée avec une arme. Avant cela, Chahinez Daoud avait plusieurs fois signalé des violences avec quatre mains courantes déposées en février 2018 et juin 2020. Des signalements qui avaient continué après l'incarcération de Mounir Boutaa, longue de six mois entre juin et décembre 2020 : trois plaintes avaient été déposées par la mère de famille contre son ex-mari en juin et août 2020, puis en mars 2021, soit moins d'un mois avant son meurtre.

"Une paranoïa" et un discernement altéré

Le couple s'était marié en 2015 alors que Chahinez Daoud vivait en Algérie avec deux enfants nés d'une précédente union et que Mounir Boutaa vivait en France et avait divorcé de sa première femme, laquelle dit avoir également subi les violences et l'emprise de l'homme jaloux. La jeune mère de famille s'était définitivement installée en France en 2016, année du début des violences conjugales et d'une emprise psychologique selon les témoignages recueillis par Franceinfo. La condamnation de Mounir Boutaa n'avait rien changé et, au contraire, avait aggravé la situation. Le couple s'était remis à vivre ensemble à la libération de l'homme, en dépit de l'interdiction d'entrer en contact, puis s'était séparé en mars au moment du dépôt de la troisième plainte pour violences. Auditionné, l'homme s'était plaint des infidélités présumées de sa conjointe. Le quadragénaire qui vivait chez sa sœur depuis la séparation s'était persuadé que Chahinez avait relation adultérine avec un amant fictif.

L'obsession de Mounir Boutaa a été comprise par les psychiatres comme une "paranoïa" à même d'altérer son discernement. Un détail que les avocates de l'accusé vont rappeler au procès. "On va juger quelqu'un que les experts considèrent comme une personne altérée, qui a un discernement altéré", ont indiqué Me Anaïs Duvot et Elena Badescu à BFMTV : "Les experts se sont prononcés et ils ont considéré qu'il n'était pas dans un état normal" lors du meurtre de Chahinez. Les psychiatres ont toutefois assuré que cet élément n'effaçait pas la responsabilité pénale de l'accusé.

L'altération du discernement n'est pas une circonstance qui empêche une personne d'être condamnée - à la différence de l'abolition du discernement -, mais elle peut entraîner une réduction de la peine selon l'article 122-1 du Code pénal. En l'occurrence, Mounir Boutaa encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat de Chahinez Daoud, mais l'altération du discernement peut abaisser la peine maximum à trente ans de prison.

Homicide volontaire ou assassinat ?

La mort de Chahinez a d'abord été considérée comme un "homicide volontaire" avant que l'enquête soir requalifiée en "assassinat". Le premier chef d'accusation reconnaissait l'intention de donner la mort sans préméditation, tandis que le deuxième implique que le meurtre a été prémédité. Mounir Boutaa soutient n'avoir jamais eu l'intention de tuer son ex-conjointe. Ses avocates ne peuvent ignorer ses aveux sur la volonté de blesser Chahinez, mais elles se raccrochent à d'autres déclarations pour le défendre : "Ce qu'il a expliqué à la cour, c'est qu'il n'avait pas prémédité son geste, et que ce jour-là, lorsqu'il est allé devant le domicile de Chahinez Dadoud, il a toujours dit qu'il n'avait pas eu l'intention formée en amont d'intenter à la vie de son ex-conjointe".

En face, l'avocat de la famille de Chahinez, Me Julien Plouton, soutient qu'il y a eu une "intention de tuer" qui "préexistait à la rencontre du 4 mai". L'avocat assure sur BFMTV que Mounir Boutaa a eu "la volonté "de tuer quelqu'un, de tuer une femme, de l'effacer, de l'annihiler, de la châtier, de la punir".