"Les chiens l'ont mangée" : ces violences chez les Sœurs du Bon Pasteur déjà dénoncées dans un documentaire
Que se passait-il derrière les portes closes des instituts de la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, jusqu'à leur fermeture dans les années 1970 ? Après des révélations sur les sévices subis par les élèves de Notre-Dame-de-Bétharram, une commission d'enquête sur les violences scolaires a été ouverte pour identifier les victimes de l'enseignement catholique de ces dernières années. Jeudi 20 mars, Évelyne Le Bris, représentante du Collectif des victimes du Bon Pasteur, a témoigné devant cette commission d'enquête, co-rapportée par Paul Vannier (LFI) et Violette Spillebout (Ensemble pour la République).
Âgée de 75 ans aujourd'hui, elle a été scolarisée à Angers dans un de ces établissements alors qu'elle était encore adolescente, dans les années 1960. Nommés à l'époque les "Refuges", comme le rapporte Slate, ces établissements étaient des institutions religieuses créées dans les années 1840 et avaient pour but de rééduquer les jeunes filles en "perdition". Mais leur méthode a traumatisé des milliers de jeunes filles, qui ne témoignent que depuis quelques années des sévices qu'elles ont subis.
Dévorée par des chiens
Tout d'abord, il est important de savoir que plusieurs victimes avaient déjà témoigné en novembre 2022, dans un documentaire nommé "Mauvaises filles", d'Émérance Dubas. Elles y parlaient des raisons qui ont fait qu'elles ont été envoyées dans ces établissements. C'est notamment le cas d'Éveline qui expliquait avoir subi plusieurs viols de la part de son voisin quand elle avait 15 ans. Un crime dont elle a été victime, mais qui lui a valu d'être traitée comme la coupable. Marie-Christine, qui s'était confiée au Point, assurait y avoir été envoyée au motif qu'elle était paresseuse.
Dans ce documentaire, on apprenait les sévices que subissaient les jeunes filles. Mais il aura fallu attendre le 20 mars de cette année pour qu'une commission d'enquête parlementaire s'y intéresse. "Les bonnes sœurs nous martyrisaient. Quand des filles fuguaient, on les tondait quand elles revenaient. Elles étaient enfermées au mitard. Le mitard, je l'ai connu maintes fois", y s'est confiée Éveline Le Bris. Elle est également revenue sur les fugues de certaines jeunes filles, traquées par des chiens : "Les filles fuguaient, mais, pendant toute la nuit avec les chiens bergers allemands, on était convié à passer dans tous les jardins, tous les bosquets pour savoir si elles n'étaient pas montées en haut d'un arbre pour se cacher. Et quelquefois, elles se rataient, elles tombaient par terre. Comme à Nancy où elle a râlé toute la nuit et que les chiens… Que les chiens, l'ont mangée, en fait."
Un récit choquant pour lequel Paul Vannier a dû demander des précisions : "Pardon madame, juste pour bien comprendre, là vous parlez des chiens de qui ?", "Des bonnes sœurs" a confirmé la septuagénaire qui a ajouté : "Au matin, ce n'est pas un corbillard qui est venu. C'est un tombereau avec un cheval et ils l'ont placée dedans , comme le rapporte Paris Match.
Dans le documentaire "Mauvaises filles", on apprenait déjà qu'une bonne sœur avait "puni" une élève en lui frappant la tête contre un lavabo jusqu'à ce qu'une des jeunes filles intervienne, effrayée par le sang. On y apprenait aussi que les élèves n'avaient le droit de se laver les cheveux que deux fois par an, que le reste de la toilette se faisait au lavabo avec de l'eau froide, été comme hiver, et que les sévices physiques étaient légion. Une fois sorties de cet enfer, les élèves, devenues des jeunes femmes dont l'État ne payait plus leur pension à leur majorité, devaient se débrouiller seules, sans éducation scolaire, avec un rapport aux autres déformé, personne à qui se confier et nulle part où aller. Beaucoup ont été des cibles faciles de réseaux de prostitution, les autres ont fait des travaux précaires pour survivre.