Suicide d'Evaëlle : des accusations de harcèlement qui "ne sont pas la réalité", l'enseignante s'exprime
Pascale B., poursuivie pour harcèlement moral sur mineure de moins de 15 ans dans l’affaire d’Evaëlle, une adolescente de 11 ans qui s’est donné la mort par pendaison le 21 juin 2019, a été relaxée ce jeudi 10 avril et a décidé de prendre la parole, vendredi 11 avril sur Franceinfo.
"Aujourd’hui je peux parler un peu plus librement et dire mon ressenti", a-t-elle déclaré. "J’ai été accusée depuis maintenant six années d’être responsable du décès d’Evaëlle. Ce sont des accusations qui ont été vraiment odieuses à porter". Pascal B. souligne que "trois faits" étaient retenus contre elle : "avoir demandé, comme c’était exigé pour tout le monde, un cahier de français et non pas un classeur, d'avoir ponctuellement changé [Evaëlle] de place et d’avoir tenu à son encontre des propos qui pourraient être jugés harcelants, propos qui n’ont jamais pu être cités ni être l’objet d’aucun témoignage", défend-elle.
"Je n'ai pas de responsabilité"
"Le décès d'Evaëlle est effectivement dramatique" mais "je n'ai pas de responsabilité", affirme l'enseignante que "le tribunal n'a pas entendu" les arguments de la partie civile "parce que ce n'est pas la réalité". Dans le verdict, la présidente du tribunal correctionnel de Pontoise a notamment considéré que les éléments à charge contre la professeure étaient "discordants, indirects, peu circonstanciés" ou relevant de "comportements adaptés et légitimes s'agissant de l'autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe". Elle a donc prononcé la relaxe de la prévenue précisant que "les faits reprochés ne sont pas établis", pas plus que l'élément intentionnel puisque selon les juges Pascale B. n’a pas cherché volontairement une dégradation des conditions de vie d’Évaëlle".
S'appuyant sur ces propos, Pascale B. soutient que les accusations portées contre elle ne sont pas justifiées. "Bien sûr qu'on peut toujours dire des choses qui peuvent être [mal] perçues parce qu'elles sont dites de manière maladroite, mais ça ne s’est pas passé" comme l'affirment les parents d'Evaëlle ajoute l'enseignante. Et la mise en cause relaxée de rappeler qu'Evaëlle n'était plus scolarisé dans le même établissement au moment de son suicide. "Lorsqu'elle est décédée, Evaëlle avait quitté l'établissement depuis plusieurs mois et on ne sait pas ce qui s'est passé pendant toute cette durée. Oui, là on peut avoir un doute", rappelle l'enseignante.
Les parents d'Evaëlle ont exprimé leur "incompréhension totale" après l'annonce du verdict et leur avocate, Me Delphine Meillet a aussitôt annoncé faire appel de la décision du tribunal sur le volet civil. Le parquet peut, de son côté, est le seule à pouvoir faire appel sur le plan pénal et a dix jours pour se manifester. L'avocate de Pascale B., Me Marie Roumiantseva, se dit "prête" pour un nouveau procès sur Franceinfo : "On redéveloppera les arguments qu'on a déjà développés, tous les éléments du dossier ont été examinés en profondeur". Les parents d'Evaëlle attendent également un autre procès lié au harcèlement de leur fille, celui de deux élèves soupçonnés d'avoir harcelé l'adolescente. Il doit se tenir avant la fin de l'année au tribunal des enfants.
"Les faits et les témoignages étaient là" : la déception des parents d'Evaëlle
La décision du tribunal a causé la déception des parents d'Evaëlle pour qui les preuves du harcèlement de l'adolescente par Pascale B. ont été apportées durant le procès. "Les faits et les témoignages étaient là. Ils n'ont pas été entendus. [...] La justice cautionne le comportement de cette professeure et qu'elle a le droit de se comporter comme ça vis à vis de nos enfants", a-t-elle ajouté estimant que "la justice fait corps avec l'Éducation nationale". Une critique quand on sait que les parents de l'adolescente ont dénoncé l'inaction de l'Education nationale après la non-considération d'un signalement fait du vivant de leur fille.
Si l'enseignante de 62 ans a été décrite comme ayant un parcours d'excellence avec uniquement "des appréciations positives : assiduité, ponctualité, exigeante, dynamique" entre 1988 et 2016 comme l'a rappelé la juge, elle a aussi été présentée comme "autoritaire et cassante". Il est ressorti des témoignages que Pascale B. adoptait des comportements différents selon les élèves : "Elle avait ses chouchous et ses cibles", a déclaré un élève victime de brimades. Certaines réflexions humiliantes prêtées par la professeure à l'égard des élèves avaient été rapportées durant le procès : "Tu es bête, tu vas finir SDF" ou encore "on peut pas être bête à ce point, tu n’as pas de cerveau". La jeune Evaëlle aurait personnellement été traitée de "nulle" et de "folle" selon des témoignages. Si l'enseignante a admis certains de ces propos se disant "exigeante" avec les élèves, elle a nié toute humiliation : "Je n'ai pas humilié Evaëlle".
Des scènes vécues par l'adolescente sous la responsabilité de la professeure interrogent, comme cette heure de vie de classe qui a été "la pire journée de toute la vie" d'Evaëlle selon ses parents. Lors d'une discussion consacrée au harcèlement scolaire que vivait déjà l'adolescente, Pascale B. avait demandé aux élèves d’exprimer leurs reproches à Evaëlle qui devait leur apporter des réponses. Elle s'était ensuite agacée des pleurs de la jeune fille accablée et démunie et lui avait intimé de répondre aux questions "de façon méchante" d’après les récits des élèves. Défense de la prévenue : "J’ai dû lui dire 'arrête de pleurer', phrase idiote à dire. Je ne voulais pas qu’elle pleure, ce n’était pas l’enjeu. Ce n’était pas dans le but de la mettre en difficulté mais d'essayer de régler ce problème relationnel dans la classe".
Pascale B. invoque sa "liberté d'enseignement"
Ces témoignages n'ont pas ébranlé les convictions de la professeure qui avant le verdict estimait ne "pas avoir commis d'erreurs" envers ses élèves, dans un entretien accordé au Parisien. "Je suis désolée de vous dire que je gère ma classe et ma pédagogie comme je l'entends. On a quand même une liberté d'enseignement", confiait-elle au journal. Depuis 2021, l'enseignante ne peut plus faire cours à des mineurs et a une obligation de soins psychologiques. Malgré cette suspension, Pascale B. assure ne rien avoir à se reprocher : "Non je ne suis pas ce professeur affreux, harcelant, prenant un plaisir sadique à les humilier", maintenait-elle au procès. Une attitude qui avait poussé l'avocate de la famille d'Evaëlle, Me Delphine Meillet à comparé l'enseignante à une "criminelle endurcie" : "Madame B. ne doute pas un instant, a laissé faire les harceleurs et s’est acharnée elle-même" sur l'adolescente. "Cet endurcissement, je ne l’ai trouvé aux assises que face à des criminels endurcis et des terroristes sans remords."
15:35 - Une relaxe mais un procès qui laisse des marques
Malgré la relaxe, Pascale B. déplore une sensation de "gâchis" et estime que son image a été déformée. "Mes paroles ont toujours été traduites avec un point de vue laissant apparaître un lien entre le décès d'Evaëlle et moi. Les gens pensent ce qu'ils veulent, mais ce n'étaient pas eux que je devais convaincre", défend-elle.
15:20 - Un projet de livre
L'enseignante tente désormais de se reconstruire. "Il va me falloir du temps, car j'ai encore des séquelles. Maintenant, ma vie va reprendre différemment, car je ne pourrais pas oublier. J'ai pour projet d'écrire un livre, je vais me laisser le temps pour voir comment je vais digérer", confie-t-elle à BFMTV.
15:04 - L'enseignante visée par des menaces de mort
Pascale B. n'était pas présente lors du jugement : "Je voulais assister à l'audience, mais le collège a reçu une menace de mort me visant. On m'a donc conseillé de ne pas me rendre au tribunal", explique-t-elle à BFMTV. Durant l'enquête et le procès, l'enseignante a dû laisser son poste et quitter la région parisienne où elle travaillait et résidait. Elle évoque "six années extrêmement violentes".
12:24 - "Aujourd’hui je peux parler un peu plus librement", l'enseignante accusée de harcèlement prend la parole
Au lendemain de sa relaxe, l'enseignante jugée pour harcèlement moral a choisi de s'exprimer sur Franceinfo : "J’ai été accusée depuis maintenant six années d’être responsable du décès d’Evaëlle, poursuit Pascal B. Ce sont des accusations qui ont été vraiment odieuses à porter", défend-elle. "Le décès d'Evaëlle est effectivement dramatique" mais "je n'ai pas de responsabilité". Le tribunal n'a pas entendu" les arguments de la partie civile "parce que ce n'est pas la réalité", estime l'enseignante. "Bien sûr qu'on peut toujours dire des choses qui peuvent être [mal] perçues parce qu'elles sont dites de manière maladroite", admet tout de même Pascale B."Lorsqu'elle est décédée, Evaëlle avait quitté l'établissement depuis plusieurs mois et on ne sait pas ce qui s'est passé pendant toute cette durée. Oui, là on peut avoir un doute", souligne l'enseignante.