Mort de Bernard Pivot : un long combat contre la maladie, le dernier chapitre de sa vie
VIDEO

Mort de Bernard Pivot : un long combat contre la maladie, le dernier chapitre de sa vie

Bernard Pivot, écrivain, animateur et amoureux des mots, est mort à l'âge de 89 ans le lundi 6 mai 2024. Il luttait contre la maladie depuis plusieurs années après avoir transmis sa passion des livres à la France entière et pendant des décennies.

L'essentiel
  • L'écrivain, animateur et journaliste Bernard Pivot est mort le lundi 6 mai 2024, à l'âge de 89 ans, des suites d'une maladie. 
  • Créateur de l'émission "Apostrophes" sur Antenne 2 et président de l'Académie Goncourt, il avait également présenté l'émission "Bouillon de culture" et organisé à partir de 1985, les Dicos d'or, un championnat d'orthographe devenu international.
  • Bernard Pivot souffrait de problèmes de santé depuis janvier 2020 avait-il confié dans une interview accordée au JDD en avril 2023, la dernière avant de se retirer de la vie publique. 
  • "Je suis resté silencieux parce que le mal m'a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse" confiait-il au même journal. Si l'écrivain n'a jamais révélé la nature de sa maladie, Le Parisien évoque "des mois de lutte contre un cancer".
  • Emmanuel Macron a rendu hommage à Bernard Pivot. Le présentateur et écrivain "restera ce passeur, populaire et exigeant, cher au cœur des Français", a-t-il affirmé.
En direct

17:49 - Fin du direct

Ouvert depuis ce lundi 6 mai, ce direct consacré au décès de l'ancien journaliste, écrivain et animateur Bernard Pivot est désormais fermé. Nous vous remercions pour votre présence. Vous pouvez approfondir le sujet à travers l'article suivant :

15:42 - La rigueur de Bernard Pivot à l'académie Goncourt

Bernard Pivot a été le président de l'académie Goncourt de 2014 à 2019 et son arrivé à la tête de l'institution littéraire a été synonyme de changement. Selon l'écrivain et membre de l'académie française Jean-Christophe Rufin, invité sur franceinfo, c'est le journaliste qui a insufflé de la rigueur au membre du Goncourt : "Il a complètement transformé les méthodes de travail de l'académie" en demandant aux jurés de s'engager à lire les livres, tous les livres. Si les prédécesseurs de Bernard Pivot "étaient de bonne compagnie" selon Jean-Christophe Rufin, "ils ne vérifiaient jamais si les autres avaient bien fait leur travail", tandis qu'avec l'animateur "il fallait avoir lu les livres". Désormais, "ça marche droit" à l'académie Goncourt selon l'écrivain et Bernard Pivot n'y est pas pour rien. 

Avant qu'il prenne sa retraite de l'académie Goncourt en 2019, Bernard Pivot avait l'habitude de lire des dizaines de livres durant l'été et avant la rentrée littéraire. Il avait d'ailleurs expliqué ne plus avoir "l'envie, la force, de lire 50 à 70 romans pendant les trois mois d'été. C'est quand même une contrainte terrible" au Parisien.

14:24 - Menace de suicide d'un étudiant et négociations de Bernard Pivot dans Apostrophes

Un autre moment fort d'Apostrophes est celui pendant lequel un homme se présentant comme un étudiant était venu sur le plateau de Bernard Pivot pour faire passer un message politique contre un projet de Lionel Jospin, alors ministre de l'Education nationale, en interrompant le programme. L'intervenant avait menacé de se trancher la gorge si on ne le laissait pas parler et de se planter un couteau dans le ventre si on coupait l'antenne. D'abord poli avec l'animateur, l'homme s'était emporté dans un monologue contre l'absence de démocratie à l'égard des jeunes puis contre les médias pendant plusieurs minutes. Bernard Pivot avait alors tenté d'apaiser la tension lors de ce moment de télé inédit.

12:59 - Quel était le secret de Bernard Pivot pour faire aimer les livres ?

Comment expliquer le succès qu'a rencontré Bernard Pivot avec ses émissions littéraires qui, de l'aveu de l'académicien Jean-Christophe Rufin, ne sont généralement pas des rendez-vous folichons. D'après l'écrivain qui a bien connu l'animateur, c'est dans le travail que fournissait l'hôte d'Apostrophes - "il travaillait beaucoup" pour que tout ait l'air facile insiste-t-il sur franceinfo -, mais surtout dans son humour que résidait le "secret" de Bernard Pivot. Jean-Christophe Rufin qualifie d'ailleurs le journaliste "d'humouriste" qui avait commencé en tenant une chronique nommée "Riez, nous ferons le reste".

11:36 - Bernard Pivot et la polémique autour de Gabriel Matzneff

C'est une émission d'Apostrophes très connue, mais qui est revenue en pleine face à Bernard Pivot. Celle dans laquelle l’écrivain Gabriel Matzneff, accusé de viols sur mineures, évoque et assume son "attirance sexuelle" pédophile sur le plateau du journaliste, en 1990. Personne ne s'était offusqué, à l'exception de l'autrice canadienne Denis Bombardier également invitée, et l'animateur de télévision avait été accusé de complaisance. Il s'était justifié évoquant une autre "époque". Face au tollé suscité par la réponse de l'ancien président de l’académie Goncourt, il avait confié, quelque temps plus tard, ne pas avoir "eu les mots qu’il fallait".

10:20 - Un père absent, mais reconcilié avec ses filles

Père de deux filles, Agnès et Cécile, Bernard Pivot avait reconnu avoir été un parent absent durant l'enfance de ses enfants. Il disait lui-même au JDD que s'il avait eu la chance de travailler depuis son domicile, il n'avait pas profiter de cette présence à la maison pour profiter de ses filles. "Après le dîner, je n’étais pas de ces pères qui donnaient la lecture à leurs enfants. J’avais hâte de rejoindre mon bureau pour achever la lecture du livre dont j’avais commencé la lecture l’après-midi" expliquait-il dans la presse. Et d'ajouter : "Que de musées non visités avec mes filles ! Que de week-ends non partagés ! Que de fous rires perdus".

Mais Bernard Pivot n'était pas pour autant en mauvais termes avec ses filles, au contraire. "Elles m’ont depuis longtemps pardonné mes fugues à domicile" assurait-il soulagé. Le journaliste avait d'ailleurs co-écrit le livre "Lire !" avec sa fille Cécile Pivot en 2018.

09:51 - Le "shut up" de Bernard Pivot à Charles Bukowski

Dans la série des moments très connus d'Apostrophes, comment ne pas citer l'agacement de l'assistance provoqué par le flot de paroles incessant de l'écrivain américain Charles Bukowski ? L'auteur qui avait fini ivre sur le plateau avait irrité l'écrivain et journaliste François Cavanna lequel tentait de s'adresser à un autre invité pendant que Charles Bukowski baragouinait sans s'interrompre. "Bukowski, ta gueule" avait lâché l'écrivain. Mais plus tard c'est Bernard Pivot qui, tentant de faire taire son invité américain discrètement, avait également fini par lancé un "shut up" à la fois amusé et agacé. "Bukowski, je vais te foutre mon poing dans la gueule !" avait immédiatement renchérit François Cavanna.

09:22 - Des livres et d'autres moments cultes d'Apostrophes

Si Apostrophes mettait à l'honneur la littérature, l'émission a aussi eu son lot de moments cultes grâce aux invités présents ou à leurs échanges sur le plateau. Le clash entre Serge Gainsbourg et Guy Béart est l'un d'entre eux. Le chanteur de La Javanaise, qui était alors le sujet d'un livre dont parlait Bernard Pivot, évoquait la peinture comme "art majeur" et l'opposait aux "arts mineurs comme les conneries que nous faisons nous" en parlant dans chanteurs. Une distinction qui n'était pas du goût de Guy Béart qui se fera rabroué sans détour par Serge Gainsbourg nonchalant devant un piano : "Qu’est-ce qu’il a dit, le blaireau, là ?". Un "ta gueule" sera également glissé sur le plateau de Bernard Pivot.

08:57 - Bernard Pivot, l'ami (et collègue) des libraires de France

Connu pour être l'homme qui a fait aimer les livres et la dictées aux Français, Bernard Pivot est une figure majeure pour les libraires français. Plusieurs professionnels se souviennent de la force "prescriptrice" qu'avaient les émissions de l'animateur sur les ventes de livre dans le Parisien : "Il a apporté une médiatisation extrême des livres et de la littérature. C’était un personnage éminemment sympathique et généreux et ça se ressentait à travers l’écran. Quand il animait Apostrophes le vendredi soir, les gens se précipitaient en librairie dès le lendemain et il y avait du monde partout", relate la propriétaire d'une libraire parisienne. D'autres professionnels vont encore plus loin, comme celui qui au journal francilien approuve le surnom qu'on donnait à Bernard Pivot dans les années  1990, celui du "premier libraire de France".

08:34 - Un semblant de retraite pris à 84 ans

Bernard Pivot ne s'est pas arrêté avant ses 84 ans quand il s'est retiré de la présidence de l'Académie Goncourt en 2019. Une longue et riche carrière comprenant des émissions télévisées cultes telles qu'Apostrophes, Bouillon de culture ou encore Double jeu, la création des championnats de France d’orthographe, puis du monde avec les Dicos d’or, son passage à la tête de l'Académie Goncourt qu'il a révolutionné et modernisé, mais aussi ses nombreux ouvrages. Même avec son départ de l'Académie et du petit écran, l'amoureux du verbe continuait d'écrire une chronique dans le JDD et a fait courir sa plume pour écrire des bouquins jusqu'en 2022. "... Mais la vie continue" avait-il écrit en 2021 avant de publier "Amis, chers amis" un an plus tard.

Bernard Pivot n'aura finalement jamais vraiment arrêté. Et pour certains de ces admirateurs comme François Busnel; le créateur de "la Grande Librairie" - une émission littéraire héritière d'Apostrophes - même la mort n'arrêtera pas le passionné : "Si quelque chose existe, il va se marrer avec Brassens, Ventura, le poète François Villon. Il va harceler Hugo et Shakespeare et demander à Dieu comment il a écrit La Bible" a-t-il glissé au Parisien, non sans référence au questionnaire de Proust qui concluait les émissions de Bouillon de Culture.

08:11 - La mort vue comme "l'extinction définitive de la parole, des mots" par Bernard Pivot

Bernard Pivot avait plusieurs fois évoqué le trépas et le sien durant sa carrière, le plus souvent sur un ton léger. Et durant ses dernières années, l'écrivain essayé encore de faire preuve d'humour sur son déclin lié à la maladie, toujours dans les colonnes du JDD : "Je vais cahin-caha de bourdes en maladresses, d'oublis instantanés en futiles angoisses. J'en ris pour n'avoir pas à en pleurer". Mais le discours du président de l'Académie Goncourt sur la mort se faisait plus grave. "Il n'y a pas de mort heureuse, même désirée ou volontaire. C'est l'extinction définitive du souffle, de la parole, des mots, et même le mot 'mort' ne peut plus être prononcé. Il est réservé aux futurs défunts" avait-il déclaré en 2023 alors qu'en 2017 il osait encore parler d'une "mort idéale" sur RTL.

07:56 - "Le mal m'a frappé à la tête" : seules confessions de Bernard Pivot sur sa maladie

Bernard Pivot n'est que très rarement revenu sur ses problèmes de santé. Il avait fait quelques succinctes déclarations dans le JDD en avril 2023 : "Je suis resté silencieux parce que le mal m'a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut alors se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse". L'amoureux des livres s'était retrouvé privé de sa passion de l'écriture et avait en conséquence mis fin à sa chronique dans le JDD : "À mon vif regret, j'ai abandonné ma chronique du JDD parce que j'étais malade, handicapé, et que je ne pouvais plus écrire comme je l'ai fait pour vos lecteurs, pour nos lecteurs, si vous permettez, pendant plus d'un quart de siècle".

06/05/24 - 23:26 - Stéphane Bern confie sa "tristesse" pour un homme "infiniment bon"

À l’annonce de son décès, de nombreuses personnalités ont pris la parole pour rendre hommage à Bernard Pivot. Stéphane Bern lui a adressé quelques mots. Le présentateur de Secrets d’histoire sur France 2 a confié sa "tristesse" pour "l’homme qui nous faisait aimer les livres tire sa révérence". "Que de souvenirs émus entre l’Académie Grévin et les Amis du Musée des tissus Lyon, notre ville", a-t-il rappelé avant de poursuivre et évoquer un homme" toujours enjoué, drôle, moqueur et infiniment bon".

06/05/24 - 23:01 - Une présidence de l’Académie Goncourt marquante

Élu membre de l’Académie Goncourt en 2004, Bernard Pivot a été le premier non-écrivain à rejoindre la prestigieuse institution. Son passage reste marqué par la nouvelle limite d'âge non rétroactive à 80 ans qu'il a imposé aux jurés de ce prix littéraire en plus de la transparence et surtout des règles de déontologie. L'écrivain Pierre Assouline, membre du jury du Goncourt depuis 2012 expliquait que Bernard Pivot avait "énormément lutté contre la rumeur sur la corruption du jury par les maisons d'édition pour l'attribution du prix Goncourt. Il l'a reléguée au rang de légende. Il a oeuvré, il y a une dizaine d'années, pour modifier le règlement. Il est interdit à tout membre du jury d'avoir une activité au sein d'une maison d'édition". 

06/05/24 - 22:33 - Son refus de la Légion d’honneur reste dans les mémoires

Alors qu'il s’apprêtait à être décoré de la Légion d’honneur, Bernard Pivot a préféré refuser la plus haute distinction française en 1992. "C'est une prime à la notoriété et je n'ai pas envie de me retrouver avec mon petit ruban rouge devant des gens que j'admire et dont je sais qu'ils le mériteraient beaucoup plus que moi", déclarait-il auprès de Libération. "Et, seconde raison, j'ai toujours pensé qu'un journaliste en activité ne doit pas l'accepter. Il se trouve que la gauche me l'a offerte, puis la droite, puis la gauche, et il me semble que si j'acceptais je serais un petit peu moins libre", avait-il ajouté. 

LIRE PLUS
En savoir plus

Bernard Pivot n'est plus. Ce lundi 6 mai 2024, sa famille a annoncé sa mort des suites d'une maladie à l'AFP. L'ancien présentateur et écrivain s'est éteint à l'âge de 89 ans à Neuilly-sur-Seine. Créateur de l'émission "Apostrophe" sur Antenne 2, il a fait aimer les livres à des millions de Français. Ex-journaliste et président de l'Académie Goncourt, il avait également présenté l'émission "Bouillon de culture" et organisé à partir de 1985, les Dicos d'or, un championnat d'orthographe devenu international.

Journaliste, écrivain, animateur...

Né le 5 mai 1935 à Lyon, cet amoureux de la langue française étudie d'abord le droit dans la capitale des Gaules, puis le journalisme à Paris. Diplômé du Centre de formation des journalistes (CFJ) en 1957, il entre au Figaro littéraire en 1958, puis devient chef du service littéraire du Figaro. Il débute à la télévision en 1973 en animant le magazine littéraire "Ouvrez les guillemets". Depuis, "Apostrophe", "Bouillon de culture"... On ne compte plus les succès auxquels Bernard Pivot a participé. Il recevait notamment les grands écrivains comme Marguerite Duras ainsi que les musiciens ou les acteurs. Brassens et Ferré ont défilé sur ses plateaux. Bernard Pivot fut un acteur majeur des riches heures de la télévision française. Il avait également présidé l'académie Goncourt de 2004 à 2019.

Une vie entière dédiée aux mots

Bernard Pivot a également écrit de nombreux ouvrages sur ses passions, la littérature et les mots, mais aussi le football ou encore le vin. "Mais la vie continue", son dernier ouvrage paru en 2021, qui ressemblait comme deux goûtes d'eau à une autobiographie, parlait notamment du fait de vieillir. Ses lunettes fixées sur le bout du nez ont fait de lui un homme incontournable du petit écran.

Ces dernières années, il était très actif sur Twitter, comme pour prolonger une vie entière dédiée aux mots. Il partageait ses humeurs avec plus d'un million d'abonnés. Dans une interview accordée au JDD en avril 2023, il indiquait les raisons qui l'avaient poussé à se retirer de l'Académie Goncourt et des médias : "Je suis resté silencieux parce que le mal m'a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse". Une discrétion caractéristique du personnage. En 1992, il avait refusé la Légion d'honneur.