"C'est bien un meurtre" : pourquoi la famille du chauffeur tué à Bayonne dénonce la qualification des faits ?

"C'est bien un meurtre" : pourquoi la famille du chauffeur tué à Bayonne dénonce la qualification des faits ? Deux hommes sont jugés à partir de ce vendredi devant la cour d'assises de Pau pour leur implication dans le décès d'un chauffeur de bus à Bayonne en juillet 2020. Accusés d'avoir porté des coups qui ont entraîné sa mort, ils ne sont pas jugés pour meurtre.

[Mis à jour le 15 septembre 2023 à 16h25] Le procès de deux hommes de 25 ans, impliqués dans la mort d'un chauffeur de bus à Bayonne en 2020, s'ouvre ce vendredi 15 septembre à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ils comparaissent devant la cour d'assises de Pau pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs dans l'exercice ou du fait de ses fonctions". Leur procès doit durer cinq jours. En situation de récidive, les deux hommes encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Une troisième personne est aussi jugée dans ce procès pour avoir fourni un logement aux agresseurs présumés de ce chauffeur de bus.

Wyssem M. et Maxime G. sont jugés pour avoir roué de coups Philippe Monguillot, un chauffeur du trambus de Bayonne, le 5 juillet 2020. En état de mort cérébrale, le chauffeur était alors resté cinq jours dans le coma avant de mourir à l'âge de 58 ans. Un procès très attendu pour sa famille, trois ans après les faits. "Pour mes filles, pour moi-même, c'est trois ans de manque, trois ans d'absence. Mon deuil pour l'instant, je ne peux pas le faire. Je ne pourrai le commencer que grâce à la justice", a témoigné Véronique Monguillot, l'épouse endeuillée du chauffeur, sur RMC à la veille du procès. La veuve de Philippe Monguillot a témoigné de la violence avec laquelle son mari a été battu et plusieurs fois dénoncé le non qualification de cette affaire en meurtre.

Une requalification des faits dénoncée par la famille

Les deux accusés avaient été mis en examen pour "meurtre aggravé" dans les premières heures de l'enquête. Ces faits avaient ensuite été requalifiés en "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs dans l'exercice ou du fait de ses fonctions" en mai 2022 par la juge d'instruction de Bayonne, après que l'information judiciaire s'est terminée. 

Une décision qui a suscité l'indignation de la famille de Philippe Monguillot. Réagissant à cette annonce sur RMC quelques heures après cette requalification des faits, son épouse avait déclaré : "Il y a tout dans ce dossier qui montre que c'est bien un meurtre. Mon mari a été oublié par la justice. Ce n'est pas une bagarre qui a mal tourné." Véronique Monguillot avait alors parlé d'une "gifle énorme" assénée par la justice.

Pour l'avocat de la famille Monguillot, Me Alexandre Novion, interrogé par TF1 cette requalification est aussi difficile à accepter et le procès doit permettre de mettre en évidence la volonté des agresseurs : "Plus on connaîtra ce dossier, plus on verra qu'en réalité, dans l'enchainement des violences qui ne peuvent pas être dissociées, on a des individus qui ont frappé simultanément et concomitamment un homme à terre, avec cette détermination qu'il est insupportable qu'il se relève".

Cette décision de justice est d'autant plus difficile à accepter pour la famille de la victime que Me Thierry Sagardoytho, l'avocat de l'auteur du dernier coup porté à Philippe Monguillot, indique que ce dernier "admet être l'auteur qui a conduit hélas au coma puis au décès". L'avocat appelle toutefois à respecter la qualification et a ne pas parler de meurtre pour "tordre la réalité des faits pour, d'une manière ou d'une autre, diaboliser [les agresseurs]".

La famille attend une "peine exemplaire"

"La seule chose que j'attends de ce procès, c'est une peine exemplaire", a indiqué Véronique Monguillot dans un entretien diffusé dans l'émission "Sept à Huit" de TF1 au début du mois. Une peine qui ne mettra pas pour autant fin à son calvaire. "Rien ne me soulagera. On peut me donner tout l'or du monde, ma vie s'est arrêtée. Je veux juste qu'ensuite, on me laisse respirer et réapprendre à vivre", a-t-elle déclaré sur RMC à la veille du procès.

La peine des deux agresseurs, c'est la cour d'assises qui la rendra. Les deux hommes avaient été initialement renvoyés devant une cour criminelle départementale par la juge d'instruction, mais le parquet de Bayonne et la famille de la victime avaient fait appel de la décision, obtenant que le procès des deux hommes se déroule à la cour d'assises. La situation de récidive des deux hommes, qui ont déjà été condamnés à trois reprises, a notamment pesé dans la balance. Wyssem M. a été condamné pour trafic de stupéfiants et vol aggravé, tandis que Maxime G. l'a été pour vols aggravés, tentative de vol avec violence et recel de bien.

Avant le drame, un premier accrochage

La bagarre qui a conduit à la mort de Philippe Monguillot a été précédée par une première altercation entre le chauffeur et les deux accusés. Le 5 juillet 2020, en début d'après-midi, Wyssem M. et Maxime G. montent dans le trambus que conduit le chauffeur. Philippe Monguillot descend alors rapidement de son poste de conduite et se dirige vers les deux jeunes hommes, installés à l'arrière du véhicule.

"On voit Philippe Monguillot sur les images de vidéosurveillance s'interposer entre ces deux individus sans ticket et sans masque", raconte Me Alexandre Novion, l'avocat de la famille du chauffeur, contacté par franceinfo. A sa demande, les deux hommes acceptent d'acheter un ticket. "Les images ne montrent aucune agressivité de part et d'autre", indiquent les enquêteurs, dont les propos sont rapportés par BFMTV. Mais pour Me Alexandre Novion, "cette première confrontation laisse des traces". La chaîne d'information indique par ailleurs qu'un témoin a rapporté des "paroles insolentes, outrageantes" proférées par les deux hommes à l'encontre de Philippe Monguillot.

Une bagarre mortelle

Le drame va se produire quelques heures plus tard, un peu après 19h. Wyssem M. et Maxime G. montent alors une seconde fois dans le bus de Philippe Monguillot, accompagnés de deux autres personnes. Ils s'installent au fond du véhicule et ne portent toujours pas de masque - la France est alors en pleine épidémie de Covid-19 - comme demandé par le chauffeur. Les quatre individus se montrent alors menaçants envers Philippe Monguillot. Selon le rapport des enquêteurs, relayé par franceinfo, le chauffeur de bus assène ensuite un "violent coup de tête" à Wyssem M. Une bagarre éclate entre Philippe Monguillot et les deux accusés.

Les deux hommes poussent le chauffeur hors de son véhicule, puis lui donnent des coups de pied dans le ventre et le visage. Des coups de pied dans la tête comparables à "des coups de pied dans un ballon de foot", a raconté son épouse dans l'émission "Sept à Huit" de TF1, rapportant les propos d'un des témoins de la scène. Philippe Monguillot réussit cependant à se relever, et tente de rentrer dans le bus. Wyssem M. lui donne à ce moment-là un violent coup de poing. C'est alors que le chauffeur tombe "lourdement au sol en heurtant celui-ci avec l'arrière de la tête", indique le rapport des enquêteurs. 

Tombé dans le coma, Philippe Monguillot décèdera cinq jours plus tard, le 10 juillet 2020. "La cause médicale du décès est à relier à un traumatisme crânien fracturaire" ayant notamment engendré "des lésions hémorragiques importantes", lit-on dans le rapport du médecin légiste consulté par franceinfo. "Lorsqu'il va provoquer cette chute, il donne un coup. Mais il n'imagine pas un seul instant que cette chute sera telle que Philippe Monguillot va en mourir", a de son côté défendu l'avocat de Wyssem M., Thierry Sagardoytho, selon des propos rapportés par RMC.