Cagnotte pour le policier de Nanterre : 1 million récupéré par l'Etat !
[Mis à jour le 6 juillet 2023 à 17h48] Joli pactole en vue pour l'État français ? La cagnotte en faveur de la famille du policier qui a tué Nahel M. pourrait potentiellement rapporter 938 037 euros aux impôts. Cela sera possible à condition que le don ne soit pas interdit par la justice.
Un volet judiciaire pour cette collecte s'est en effet ouvert. Les proches de Nahel ont déposé plainte auprès de la procureure de la République de Paris pour "escroquerie en bande organisée, détournement de traitement de données à caractère personnel et recel de ces délits ", selon leur avocat Yassine Bouzrou. Jean Messiha est visé par cette plainte en tant que créateur de cette cagnotte.
Cette collecte de fonds a été clôturée le 4 juillet à minuit. 1 636 200 € ont été ainsi récoltés en seulement cinq jours. Cependant, Maître Bouzrou estime, auprès du Monde, que ce soutien d'Eric Zemmour a "publiquement et mensongèrement présenté Nahel M. comme un 'multirécidiviste' pour le criminaliser et créer un mouvement de soutien au policier ayant tiré". En réponse, le polémiste d'extrême-droite a annoncé porter plainte pour diffamation. Sur Twitter, il incite les participants à cette cagnotte à suivre son action.
Jinvite les 100.000 donateurs, qui ont été accusés par la famille de Nahel, dêtre des escrocs en bandes organisées, à déposer plainte pour diffamation.
— Jean MESSIHA (@JeanMessiha) July 4, 2023
Le parquet de Paris n'a pas ouvert d'enquête pour le moment selon Franceinfo alors qu'il doit également examiner des plaintes des députés Mathilde Panot et Arthur Delaporte. Ces députés de La France Insoumise utilisent le motif du risque sérieux de trouble à l'ordre public pour mener à bien leur démarche.
Interpellé à ce sujet lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a réfuté toute intervention de l'exécutif dans cette affaire : "Il appartient à la justice et notamment au tribunal de grande instance (TGI) de pouvoir fermer cette cagnotte", a-t-il avancé. La gauche de l'hémicycle milite pour la suppression de cette cagnotte dont le montant dépasse allègrement une campagne similaire en faveur de la mère du jeune homme de 17 ans tué.
Pourquoi la famille du policier devra-t-elle payer des impôts sur cette cagnotte ?
Des droits de donation et des frais de la plateforme GoFundMe devraient amputer un important montant à cette collecte de dons. Selon l'avocate fiscaliste Caroline Aupoix, auprès de Challenges, "les donations entre tiers sont soumis à des droits de mutation de 60%, sauf exceptions, comme les associations habilitées à recevoir les dons par exemple. Ils sont en principe dus par le bénéficiaire de la donation, mais il existe un principe de solidarité fiscale entre bénéficiaire et donateur qui permet à l'administration fiscale de choisir qui elle entend redresser." La famille devrait ainsi 938 037 euros au fisc si ce droit s'applique.
Pour les frais de GoFundMe, le site précise ses tarifs : 2,9 % de la totalité des dons et 25 centimes par transaction. Selon les chiffres actuels de la cagnotte, environ 85 000 donateurs sont recensés donc la plateforme récupérerait 68 604€, mais une légère partie sera à redistribuer aux services de paiement.
La cagnotte a connu un succès fulgurant
L'objectif initial de 50 000 euros a été largement explosé. Les montants des plus de 76 000 dons sont situés entre 5 et 3 000 euros. Plus d'1,6 million d'euros ont été versés dans le cadre d'une collecte de fonds intitulée "Soutien pour la famille du policier de Nanterre". Cette initiative a été mise en place par Jean Messiha, un polémiste d'extrême-droite, afin de soutenir financièrement la famille du policier impliqué dans le décès de Nahel à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. Initialement, ce soutien d'Eric Zemmour lors de la présidentielle de 2022, avait lancé une collecte via la plateforme française Leetchi.
Cependant, celle-ci a été bloquée quelques heures plus tard, ce qui l'a poussé à se tourner vers la plateforme américaine GoFundMe. Cette collecte entraîne l'indignation de nombreuses personnalités politiques, qui demandent la fermeture de la cagnotte hébergée sur le site américain, étant choquées par cette démarche. Interrogée sur le sujet, Elisabeth Borne a affirmé que "ce n'est pas au gouvernement de décider ou non de l'existence d'une cagnotte, mais à la justice". "Le fait que ce soit une personne proche de l'extrême droite qui ait porté cette cagnotte ne contribue pas à apporter de l'apaisement", a-t-elle ajouté.
Face à la polémique, la plateforme GoFundMe a assuré qu'elle ne prendrait pas la décision de clôturer la cagnotte, jugeant celle-ci conforme à ses règles, car les fonds "seront versés directement à la famille en question. La famille a été ajoutée comme bénéficiaire et donc les fonds leur seront directement versés". Une brève description présente cette collecte de fonds : "Soutien pour la famille du policier de Nanterre, Florian.M qui a fait son travail et qui paie aujourd'hui le prix fort. Soutenez-le MASSIVEMENT et soutenez nos forces de l'ordre ! " Cette dernière phrase constitue l'angle d'attaque des opposants à cette cagnotte car cela pourrait ne pas respecter les conditions générales du site. Le Monde souligne que GoFundMe "n'a pas répondu à" leurs sollicitations sur ce "point précis".
Chers amis,
— Jean MESSIHA (@JeanMessiha) June 30, 2023
Excellente nouvelle !
La cagnotte en soutien à la famille du policier Florian M. est à nouveau ouverte !
Vous pouvez faire vos dons dès à présent en cliquant ici : https://t.co/JSZimBiKiv
Montrez-leur de quel côté est la France !
La cagnotte @Leetchi pic.twitter.com/q0B0jlOjCr
La plateforme américaine refuse de supprimer la cagnotte mais encadre son utilisation
Si les conditions d'utilisation sont donc respectées par Jean Messiha, la famille du policier ne pourra pas utiliser cette cagnotte pour les frais juridiques dans cette affaire, car "les cagnottes dont les fonds seront utilisés pour la défense juridique d'un crime violent ou les pages contenant des propos haineux ne sont pas autorisées et seront supprimées" selon Gofundme. En 2019, le gilet jaune Christophe Dettinger, n'avait pas pu recevoir près de 145 000 euros sur Leetchi après avoir frappé plusieurs policiers à Paris. La compagnie avait réagi face à la polémique en expliquant que la cagnotte ne respectait pas ses conditions générales d'utilisation qui "proscrivent toute incitation à la haine ou à la violence."
La famille du policier incarcéré pourra utiliser cet argent récolté. Mais la loi du 29 juillet 1881, article 40, indique qu'"il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ou de l'une de ces deux peines seulement". Par ailleurs, Europe 1 souligne que si "la justice a des doutes sur la finalité de cette cagnotte, elle peut engager des demandes d'information auprès des prestataires techniques qui sont tenus de conserver l'historique pendant une année." Les fonds seront donc versés directement à la famille et non strictement au policier afin de respecter les règles de la plateforme.
Un élu de gauche souhaite l'ouverture d'une procédure pénale
Cette cagnotte peut se comparer à celle lancée en faveur de la mère de Nahel, le jeune homme de 17 ans tué par Florian M. Environ 425 000 euros ont été récoltés grâce à plus de 20 000 participants, des montants bien inférieures à la cagnotte de Jean Messiha. De nombreux politiques de gauche et internautes se sont émeut de cette situation. Le hashtag #GofundmeComplice, où de nombreux utilisateurs critiquent la plateforme d'héberger cette cagnotte, est l'une des principales tendances sur Twitter.
Selon les informations du Figaro, Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados, aurait "saisi la justice au titre de l'article 40 du Code de procédure pénale pour incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination". La cheffe de file de LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, voit cette cagnotte comme "une insulte aux proches de Nahel", selon Libération, alors qu'elle a enclenché la même démarche que le député Delaporte. Thomas Portes, député La France insoumise de Seine-Saint-Denis, évoque la collecte comme une "honte" et incite la plateforme a stopper la cagnotte car "sinon vous êtes complice de rémunération d'un tueur". Eric Bothorel, député Renaissance des Côtes-d'Armor, estime que Jean Messiha souffle "sur les braises" car son geste serait "un générateur d'émeutes".
Le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a indiqué "ne pas avoir de commentaires à faire" sur cette polémique, au micro de BFMTV. Le leader des Républicains, Eric Ciotti, a annoncé, sur LCI, qu'il ne participerait pas financièrement cette collecte de fonds mais "que l'on soutienne la famille d'un policier qui est aussi dans une épreuve aujourd'hui, ça ne me paraît pas choquant"
La grand mère de Nahel a témoigné avoir "mal au cœur" en constatant le succès de l'initiative de Jean Messiha, sur la chaîne d'info en continu. "Mais il sera puni comme tout le monde. J'ai confiance en la justice", a-t-elle ajouté. Une deuxième cagnotte similaire, lancée par l'amicale des motards du 92, a recueilli plus de 60 000 euros à l'heure actuelle.