Teknival : pourquoi le festival interdit n'est-il pas délogé ?
[Mis à jour le 19 mai 2023 à 15h54] Entre 15 000 et 20 000 personnes sont présentes à Villegongis, petit village de l'Indre au nord de Châteauroux où est organisé le Teknival, ce vendredi 19 mai. Le rendez-vous immanquable des passionnés de musique techno a été interdit par la préfecture, mais organisateurs et teufeurs n'ont pas hésité à braver l'interdiction. Jusqu'à 30 000 personnes, voire 40 000, sont attendues au pic du festival. "La situation reste stable sur le site" a rassuré le préfet de l'Indre, Stéphane Bredin dans un communiqué publié vendredi matin, mais les forces de l'ordre comme les bénévoles mobilisées pour assurer la sécurité du festival restent sur le qui-vive et sont régulièrement sollicitées : "les secouristes des associations de protection civile ont porté assistance à 86 personnes" depuis le début du Teknival, selon la préfecture.
Malgré les arrêtés préfectoraux, les autorités ont renoncé à procéder à l'évacuation des festivaliers par mesure de sécurité et compte tenu de rapport de force inégal entre les teufeurs et les membres des forces de l'ordre : des dizaines de milliers contre un peu plus de 200. Les gendarmes vont surveiller et sécuriser autant que possible les abords du Teknival jusqu'à la fin de l'événement, celle-ci est prévue dans la nuit du dimanche 22 mai mais le festival pourrait se prolonger jusqu'au lundi matin. La tenue du festival déplait fortement aux villages voisins qui se plaignent des nuisances causées, en particulier du bruit, et dénoncent une forme d'impunité due au non respect des interdictions. "Une mini-ville s'est installée en l'espace de 24 heures, sans aucun moyen, sans eau, sans moyen de collecte de déchets, sans dispositif de salubrité et santé publique. [...] Il y a un sentiment de colère et de frustration", a déclaré à RMC le maire de Levroux et président de la communauté de commune du secteur, Alexis Rousseau-Jouhennet.
Plusieurs blessés au Teknival, dont un en urgence absolue
Un homme de 40 ans a été blessé et se trouve en urgence absolue après avoir été écrasé par une voiture en marge du Teknival, a-t-on appris ce vendredi 19 mai, au deuxième jour de festival. Les circonstances de l'accident ne sont pas encore connus, mais l'homme a été transporté à l'hôpital de Châteauroux dans un état critique rapporte Franceinfo, deux autres personnes ont également été hospitalisées. 16 autres teufeurs sont en urgence relative selon les informations complémentaire de BFMTV.
Depuis le début du festival "les secouristes des associations de protection civile ont porté assistance à 86 personnes" et le poste médical avancé a enregistré 18 entrées. Aux abords du Teknival, les contrôles routiers menés par les gendarmes ont donné lieu à deux gardes à vue pour "délit routier et conduite sous l'emprise de stupéfiants" et 23 verbalisations pour possession de stupéfiants.
Compte tenu de l'affluence de personnes à Villegongis et des moyens déployés pour la sécurité, d'autres accident sont à craindre. Les autorités et les organisateurs de l'événement ont mobilisés des centaines de personnes pour assurer la sécurité des lieux, mais face à plus de 30 000 festivaliers cela pourrait ne pas suffire.
Le Teknival et les teufeurs impossibles à déloger ?
Pourquoi laisser le festival électro avoir lieu après l'avoir interdit par deux arrêtés préfectoraux ? Le préfet n'a pas expressément mentionné les raisons, mais la sécurité du village et de ses 120 habitants semble être au cœur du sujet : déloger de force les 30 000 festivaliers attendus au Teknival paraît difficile et l'hypothèse fait craindre des débordements entre festivaliers et forces de l'ordre. "Je suis en relation avec le préfet de manière à ce que toute la sécurité soit mise en œuvre et soit suffisante pour assurer un spectacle sans dégâts", a ajouté Jean-Marc Seuvault, le maire de Villegongis après le début du festival.
Une explication et une preuve de "pragmatisme" selon l'ancien gendarme interrogé par RMC, Bertrand Cavallier qui pointe un rapport de force inégal entre teufeurs et forces de l'ordre. "Il y a toute une action de contrôle de véhicules, d'identification d'individus, des actions de prévention pour éviter la conduite sous un état alcoolique. La gendarmerie va constituer ensuite une force pivot à laquelle vont s'agréger d'autres services de l'État et des associations pour faire en sorte que l'événement se passe le mieux possible", a expliqué le spécialiste du maintien de l'ordre.
Des mesures pouvaient-elle êtres prises en amont de l'installation du festival ? "La gendarmerie avait été alertée, il y avait un plan de renseignements" a indiqué l'ancien gendarme mais les autorités ont perdu une "course de vitesse" face à des organisateurs chevronnés qui "utilisent des réseaux bien protégés, fixent un point de regroupement et arrivent à plusieurs centaines". Une manière d'agir qui complique toute intervention.
Quel est le dispositif de sécurité autour du Teknival ?
Depuis jeudi et jusqu'à dimanche, 200 gendarmes sont déployés quotidiennement pour assurer la sécurité des teufeurs du Teknival. Parmi ces membres des forces de l'ordre, 120 sont des gendarmes mobiles venus de Marseille et de Blois, a indiqué le préfet Stéphane Bredin.
Outre les mesures prises par les autorités, les organisateurs du Teknival ont indiqué que 11 associations représentées par 130 bénévoles sont mobilisés pour informer les teufeurs sur les différents risques liés à la prise de stupéfiants et d'alcool mais aussi sur la santé sexuelle. En plus des pôles informatifs, des mesures de préventions sont mises à disposition : des tes tests d'alcoolémie ou encore des préservatifs. Une infirmerie a également été montée sur place pour pouvoir prendre en charge les teufeurs qui se sentiraient mal.
Pourquoi le Teknival a été interdit ?
La raison qui a poussé la préfecture à interdire dès mercredi 17 mai la manifestation du Teknival dans l'Indre est la même qui invite désormais les autorités à encadrer plutôt qu'à faire évacuer l'événement : la sécurité. La grand messe de l'électro qui fête sa 30ème édition est un événement de trop grande envergure pour être accueilli par la petite commune de Villegongis. Le préfecture de l'Indre a ainsi pris deux arrêtés afin d'interdire "l'installation illégale de tout rassemblement festif à caractère musical non déclaré" jusqu'à 6 heures du matin le lundi 22 mai, et d'interdire la "circulation aux véhicules transportant du matériel de sonorisation ou de production d'électricité".
Si le Teknival est interdit c'est aussi parce qu'il s'agit d'un événement non déclaré, une particularité spécifique aux événements liés à la musique électro. Enfin, aucun terrain public n'étant en mesure de recevoir les dizaines de milliers de festivaliers, c'est pour éviter l'occupation illégale d'un terrain privé que le rassemblement a été prohibé, en vain. L'édition 2023 du Teknival s'est installée sur des terres agricoles d'une superficie de 70 hectares et appartement à un habitant de Châteauroux qui n'a pas été prévenu de l'évènement, ni de l'occupation de son terrain, selon le maire de Villegongis.
Qu'est-ce que le Teknival ?
Le Teknival, résultat de la contraction des mots "techno" et "festival" est un événement bien connu des fans de musique techno et électro considéré comme l'une des plus grandes rave party de France. Le festival rameute même des teufeurs venant de toutes l'Europe. Chaque année depuis sa première édition en 1993, le Teknival transforme une petit coin de la campagne française en temple de la techno e temps d'un week-end ou de quatre jours, le plupart du temps de manière illégale et offre un spectacle 100% gratuit aux festivaliers.
La clandestinité est le principe même d'une rave party, il n'y a qu'entre 2003 et 2016 que les Teknivals se sont organisés avec les autorisations des services de l'Etat. Mais l'édition 2023 de Teknival a de particulier qu'elle signe le retour du festival après trois ans d'absence, le dernier rassemblement datant de 2019 avant l'épidémie de Covid-19.
Cette année les organisateurs du Teknival ont déposé leur valise dans l'Indre, à quelques kilomètres de Châteauroux. La tradition veut que le rassemblement ait lieu dans le centre de la France comme l'indiquait les organisateurs dans un communiqué en 2016 : dans un endroit presque équidistant des quatre coins du pays et des pays limitrophes tels que le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne ou les Pays-Bas.