La mort du fœtus dans l'accident avec Pierre Palmade est-elle un homicide ?
La qualification d'homicide involontaire peut-elle retenue dans le cadre d'un accident impliquant un enfant à naître ? C'est l'épineuse question à laquelle va devoir répondre le juge pénal dans l'affaire Pierre Palmade. Dans cet accident provoqué par le comédien, la femme enceinte qui se trouvait dans le véhicule percuté par l'humoriste a perdu son enfant à naître. A ce stade, le quinquagénaire est poursuivi pour "homicide et blessures involontaires". Mais les faits pourraient être requalifiés et les poursuites pour homicides abandonnées. Ce n'est pas la première fois qu'une telle question se pose en France et la jurisprudence penche vers une réponse négative. Retour sur ce statut en France et ses conséquences dans l'affaire Palmade.
Absence de définition juridique du fœtus
En droit français, le fœtus n'a pas de définition légale. Scientifiquement, le fœtus est le stade de développement qui succède à l'embryon, c'est à dire la fin de la 8ème semaine (deux mois) de grossesse. L'article 16 du Code civil pose un principe important mais juridiquement flou : "la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie". Reste donc à trancher la question essentielle : à quel moment la vie commence-t-elle ?
La solution de principe est qu'un être humain acquiert la personnalité juridique au moment de sa naissance avec deux conditions cumulatives : le nouveau-né doit être "vivant" et "viable". Pour être né "vivant", l'enfant doit avoir respiré même quelques secondes et pour être né "viable", selon l'OMS, il doit avoir atteint le terme de 22 semaines de grossesses et peser au moins 500 grammes.
Théoriquement, le fœtus ne dispose pas de personnalité juridique, malgré des débats doctrinaux, également soulevés concernant la question de l'IVG. Pénalement, la personnalité juridique du fœtus est exclue car la Cour de cassation refuse de qualifier d'homicide involontaire l'acte d'un tiers entrainant le décès du fœtus. Tout l'enjeu de la qualification juridique est de déterminer si l'enfant à naître est décédé in utero ou en dehors du ventre de sa mère.
Dans le cas de l'affaire Palmade, les résultats de l'autopsie n'ont pas encore été révélés mais la famille de victimes ont fait savoir à travers leur avocat, Me Mourad Battikh, que l'enfant à naitre avait respiré, et était donc né "vivant" et "viable", ce qui permettrait de retenir la qualification d'homicide involontaire.
Que dit la loi si le fœtus est né "vivant" et "viable" ?
Il s'agit là du cas de figure défendu par l'avocat des victimes dans l'accident provoqué par Pierre Palmade. Selon Mourad Battikh, "l'enfant serait né vivant" et aurait respiré. Pour le moment, l'autopsie du corps du fœtus de plus de 6 mois n'a pas permis d'établir si l'enfant était né ou non vivant. Point crucial de l'enquête pour déterminer s'il y a eu homicide ou non. Ce qui sera le cas s'il est avéré que l'enfant à naître s'est détaché de la personnalité juridique de sa mère et a acquis une existence autonome. En revanche, si l'enfant est mort-né, alors les faits seraient requalifiés en "blessures involontaires".
En 2014, le tribunal correctionnel de Tarbes s'était opposé à une jurisprudence antérieure datant de 2002 en condamnant pour homicide involontaire un chauffard qui avait percuté une femme enceinte et le condamna pour "homicide involontaire sur fœtus". Le jugement avait retenu que l'enfant à naitre n'était "mort que du fait de l'accident". Pourtant, le parquet a interjeté appel et la cour d'appel de Pau était revenue à la jurisprudence antérieure. Le chef d'homicide avait donc été annulé. La qualification d'homicide involontaire ne vaut pas pour les enfants à naître morts in utero.
Interrogée par RTL, Sophie Paricard professeure de droit privé a indiqué que le jugement dans l'affaire Palmade "peut aussi être une manière de réinterroger cette jurisprudence, qui a désormais 20 ans, car on sait qu'elle a été critiquée par certains à l'époque" a-t-elle précisé.
Que dit la loi si le fœtus n'est pas né "vivant" et "viable" ?
Dans ce second cas, l'article 221-6 du Code pénal ne s'applique pas à l'enfant à naitre, au fœtus. Cet article dispose que "le fait de causer (...) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire". C'est d'abord la chambre criminelle de la Cour de cassation qui avait dégagé ce principe dans un arrêt du 3 juin 1999, appelé l'arrêt Golfier. Dans cette affaire, par confusion en raison d'une homonymie, un médecin avait retiré le stérilet de la mauvaise patiente causant la disparition du fœtus. Une interruption thérapeutique de la grossesse fut alors effectuée.
L'homicide involontaire n'avait pas non plus été retenue à la suite d'un accident de la route, dans lequel une automobiliste enceinte avait été percutée par un chauffard ivre, selon une décision rendue le 29 juin 2001. Cette exclusion de l'homicide involontaire fut confirmée par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, formation la plus solennelle. Par cet arrêt, la Haute juridiction a retenu que "le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus". Depuis la jurisprudence est constante, notamment maintenue dans une décision du 25 juin 2002 de la Cour de cassation. Dans ces affaires, la Cour a refusé de prendre en compte le critère de la viabilité de l'enfant à naître.